27 mai 2009

Le cinéma de Jerry Bruckheimer pour les nuls

Il n'y a pas de producteurs plus médiatique à Hollywood. Jerry Bruckheimer est le nabab de notre ère, le mec qui a découvert la clé magique pour ouvrir la caverne du box-office mondial. Parmi ses plus gros succès : FLASHDANCE, TOP GUN, LE FLIC DE BEVERLY HILLS, THE ROCK, ARMAGEDDON, PIRATES DES CARAÏBES...

Petite analyse des raisons de ces succès (et par conséquent aussi de ces quelques échecs):

1. LE CHOIX DES ACTEURS
Le premier grand talent de Bruckheimer est d'avoir les couilles de choisir pour incarner ses héros des acteurs "en devenir", de ceux qui ont tenu un second rôle marquant dans un film acclamé par la critique. L'exemple le plus évident, c'est d'avoir été cherché Tom Cruise en 1986 pour TOP GUN, alors que son seul beau succès remontait à 1983 avec RISKY BUSINESS. Mais il y a eu aussi Ben Affleck pour ARMAGEDDON, juste après le succès de GOOD WILL HUNTING, Eddie Murphy avec LE FLIC DE BEVERLY HILLS juste après la fin de son engagement sur le "Saturday Night Live" et évidemment Will Smith qui vient de terminer son contrat sur LE PRINCE DE BEL-AIR quand il est engagé sur BAD BOYS. Quant à Nicolas Cage, il n'est qu'un acteur de "film d'auteur" et vient de récolter un Oscar pour LEAVING LAS VEGAS quand Bruckheimer décide d'en faire une "action star" avec THE ROCK puis avec LES AILES DE L'ENFER. Citons également Keira Knightley (PIRATES DES CARAÏBES, KING ARTHUR...),
De cette façon, le producteur assure à ses grosses productions testostéronées un minimum de crédibilité artistique, tout en limitant les "charges salariales" sur le devis final.
Il en profite également pour capitaliser sur l'avenir : Vous l'aurez remarqué, quelques unes des plus grosses stars mondiales lui doivent leur carrière. C'est donc un retour de bons procédés lorsqu'on aperçoit Cage quelques années plus tard dans 60 SECONDES CHRONO et BENJAMIN GATES ou Will Smith dans ENNEMI D'ETAT.

2. LA FIDELITE AUX RÉALISATEURS
Autre qualité du producteur Bruckheimer : il sait être fidèle. 6 films avec Tony Scott, 5 films avec Michael Bay, 4 films avec Dick Richards (à ses débuts), 3 films avec Jon Turtletaub et avec Gore Verbinski, 2 films avec Mike Newell, Joel Schumacher, Paul Schrader et David McNally.
Ils lui assurent la stabilité, la fiabilité et l'assurance d'un travail bien fait.

3. LE CAHIER DES CHARGES VISUELS
Si Bruckheimer est aussi fidèle à ses metteurs en scène, c'est aussi car ils doivent satisfaire un certain nombre d'exigences pas forcément à la portée de tous. Visuellement, une production Bruckheimer est extrêmement codifiée : si le montage se doit d'être serré, le plus important reste la photographie, le look du film qui doit être toujours extrêmement sophistiqué - peut importe le genre. D'où le fait que beaucoup des metteurs en scène précédemment cités viennent de la pub, Michael Bay, Gore Verbinski et Tony Scott les premiers.
Tout cela part d'un adage bien connu du cinéma : il est plus facile de pardonner à un mauvais film qui vous en a mis plein les yeux qu'à un mauvais film tout court ! Et Jerry Bruckheimer veille sans cesse à ne jamais trahir cet adage...

4. LES SECONDS RÔLES
S'il y a une règle que tout scénariste, réalisateur et producteur ne devrait jamais oublier, c'est de ne jamais, sous aucun prétexte, mépriser le poids des seconds rôles. Ils sont aussi voir plus important que le héros. C'est eux qui font le rythme d'une histoire, qui la pimente. Jerry Bruckheimer ne l'a jamais oublié. Exemples les plus parfaits : ARMAGEDDON, avec son équipe de "spécialistes" vulgos, LES AILES DE L'ENFER, avec ses criminels sadiques ou encore 60 SECONDES CHRONO avec sa bande de voleurs de voitures.
Et pour reprendre le point n°1, Bruckheimer se fait une spécialité d'aller chercher pour ces rôles des acteurs ambitieux du ciné indé (Steve Buscemi, John Malkovich, Billy Bob Thornton etc.) qui apportent une "certaine" respectabilité à l'ensemble.

5. LES CONCEPTS FORTS
Il ne faut pas l'oublier : derrière le succès de la trilogie PIRATES DES CARAIBES, il y a une simple attraction de parc à thèmes. Aujourd'hui, ça ressemble à une évidence. Il y a 6 ans, ça ne l'était pas du tout. On aime ou pas mais il fallait oser et Bruckheimer l'a fait. La force du mec, c'est d'aller vers les histoires les plus saugrenues qui se révèlent souvent au final les plus excitantes - car finalement rien n'est plus barbant que le réalisme dans un divertissement hollywoodien. Alors, évidemment, on frôle le ridicule à quasiment tous les coups, voire on met franchement les deux pieds dedans (KANGOUROU JACK !?), mais le risque s'avère payant presque tout le temps.

6. L'HUMILITE
Avec ses productions à 200 millions de dollars, ça peut paraître étrange de parler d'humilité en évoquant le nom de Jerry Bruckheimer. Mais il faut bien lui reconnaître une chose : il n'a (quasiment) jamais pêché par excès d'orgueil, histoire par exemple de choper un Oscar dans sa quête effrénée d'affoler le box-office. Clairement, l'homme s'est fixé une mission et une seule : divertir. A l'exception peut-être de PEARL HARBOR, LA CHUTE DU FAUCON NOIR et VERONICA GUERIN, Bruckheimer n'a jamais tenté de produire autre chose que de simples divertissements sans danger et sans autre ambition. On peut ne pas apprécier mais je trouve cela assez noble car finalement assez rare à ce niveau de succès... D'autant qu'il est de notoriété publique que l'homme est assez loin des extravagances que l'on attribue habituellement aux producteurs de cinéma (vous savez... la cocaïne, les coups de gueule, l'égo surdimensionné et j'en passe).


4 commentaires:

  1. Ca m'étonne que tu ne mentionnes pas Don Simpson, sans qui Bruckheimer n'aurait probablement pas eu la carrière qui est la sienne.
    Autrement, excellent, je suis pas fan du Bruckheimer style, mais ton analyse est bonne =)

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  2. J'ai hésité mais le post est plus sur le style et la façon dont sont conçus les films. Car finalement Don Simpson était - dans leur duo - plus sur l'aspect "relation publique" et "commercial" alors que Bruckheimer était sur l'aspect "créatif".

    Et comme la mort de Don Simpson ne l'a pas empêché de produire des succès, j'ai laissé ça de côté pour pas embrouiller les choses ;-)

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  3. Belle analyse, très instructive.
    En revanche, le titre de l'article pourrait prêter à confusion et dans l'idée de ne pas froisser les fans du grand monsieur, je propose de le renommer "Le cinéma de Jerry Bruckheimer pour les nuls (mais pas seulement".

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  4. Merci !
    Pour le titre, c'est évidemment du second degré, de même que les livres du même nom ;-)

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