30 juin 2011

Notebook Song #9 : Roads

Quand j'achète/télécharge un album, quelle est la première chose que je fais : je balance en mode repeat le single, la chanson qui m'a fait, en premier lieu, dépenser le précieux argent de mon porte-monnaie. Et je ne pense pas être le seul. Même si aujourd'hui vous n'achetez plus rien et osez défier l'Etat français en le téléchargeant illégalement, c'est encore très probablement ce que vous faites : vous écoutez les singles avant tout le reste - quand vous écoutez tout le reste.

Forcément, pas mal de chansons passent à la trappe.

Mais le premier album de Portishead DUMMY n'est pas de ces galettes dont on laisse des miettes. D'un bout à l'autre, cet album a eu l'extraordinaire capacité de rassembler les amateurs de rock, de rap, de techno et les autres. Quand on a 15 ans, qu'on s'habille en baggy et en Timberland et qu'on méprise les porteurs de Doc Martens et de perfecto, ce n'est pas rien de pouvoir (enfin) se rassembler autour d'un disque. Reste que tous, Doc Martens ou Timberland aux pieds, commençaient par "Glory Box". Normal. Elle passait en boucle sur MTV. Il y avait également "Sour Times" et "Numb". Même principe. Puis, au détour d'une session plus attentive que les autres, vous écoutiez les autres pistes. Vous tombiez alors sur la piste 8. "Roads".

Une petite mélodie sur un piano Rhodes qui a déjà inondé tout l'album. Puis la voix de Beth Gibbons, mélancolique et torturée. Le rythme lancinant et pesant débute. Enfin les cordes s'élèvent, tristes. Les frissons s'emparent de tout votre corps. Vous avez envie de pleurer. Toutes vos angoisses, tout votre spleen, tout vous revient en tête. Cette chanson fait mal. Mal à l'âme. Mais vous l'écoutez. Encore et encore. Sans vous en rendre compte, elle est passée en mode repeat. Vous avez oublié "Glory Box". Vous ne pensez plus qu'à "Roads", à ses violons et à cette chose indescriptible qui semble vous faire autant de bien que de mal.

Il y a de très nombreuses façons d'interpréter cette chanson - ce qui explique sûrement le pouvoir qu'elle a sur les gens malgré son manque d'exposition "médiatique". Mais je ne peux m'empêcher d'entendre un intense cri de solitude dans les mots de Beth Gibbons. "I got nobody on my side, And surely that ain't right, And surely that ain't right, Ohh, can't anybody see, We've got a war to fight, Never found our way, Regardless of what they say"

Cette chanson ne parle pas de moi. Mais ces mots résonnent. Je ne peux m'empêcher de m'identifier. Suis-je vraiment sûr qu'elle ne parle pas de moi ? Ces mots expriment la souffrance de ne pas trouver cette personne dont le coeur battrait en synchronisation avec le votre. Ils expriment la souffrance de se sentir seul, de devoir parcourir une route qui semble sans fin - composant avec tous ces gens autour, vos amis, votre famille qui, volontairement ou non, vous mettent une pression parfois très dure à supporter.

Je refuse de me laisser envahir par ce genre de sentiments - qui ont plus tendance à porter sur le noir que sur le rose. Mais ils pèsent. En ce moment, ils pèsent très lourds. Il y a cette personne. Elle me manque. J'ai un gros déficit de confiance en moi sur les questions du coeur et j'aimerais parfois n'avoir rien à faire de tous ces maudits sentiments qui me bouffent l'esprit, être de ces gens qui traversent la vie sans se soucier de rien, d'eux comme des autres, qui voient la vie comme une suite ininterrompue d'expériences futiles et sans lendemains. Mais non. Je ne pense pas à ce plaisir. Je pense à l'état de grâce dont je sais qu'il est impossible à atteindre mais dont je sais également qu'une force de caractère suffisante me permettront de m'en rapprocher. Je pense à son sourire, à ses manières, ses rêves et à sa mélancolie. Elle me manque terriblement.

Et dans ces cas là, "Roads" est un refuge qui semble agréable. Se réfugier dans le vague à l'âme musical pour apaiser son propre vague à l'âme. Une solution universellement partagée par tous les garçons et les filles depuis la nuit des temps pop. Après tout, je n'ai jamais prétendu être seul au monde.

Mais en ce moment, c'est l'impression que j'ai... (même si tout le monde me dit le contraire)




Mais bon, ça va passer... Ca passe toujours, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ?


21 juin 2011

La théorie de l'évolution cinéphile


J'ai déjà parlé sur Slate.fr de mes petites manies cinéphiles et en particulier celle du générique de fin. Des manies qui n'ont pas toujours été là, sournoises et perverses, prêtes à vous gâcher votre vie sociale. Car, il faut bien l'avouer, je vieillis. Je change. A 12 ans, quel intérêt j'aurais trouvé à rester pendant le générique de fin. Bon, à part les crédits musique (Shazam et iMDB n'existaient pas encore... Ouais, je suis si vieux que ça !)

Je vieillis. Mes manies se développent. Mes goûts aussi. Et c'est la même chose pour tout le monde. Voyez Jonathan qui écrivait en 2009 sur son blog "Habituellement j’aime autant les films de Woody Allen qu’un bon coup de pied dans les couilles". Et bien, en 2011, il tweete "Minuit à Paris c'était pas mal non plus finalement. Inconséquent certes mais amusant et mignon."
Outre son language bien plus châtier, vous voyez que ce fan hardcore de The Rock, Jason Statham et BAD BOYS 2 a changé. Lui aussi il vieillit. Comme tout le monde.

Il évolue. Et donc, voici les 5 phases par lequel Jonathan, moi et à peu près tous les autres sommes sûrement passés et passerons. C'est la théorie de l'évolution cinéphile. Au départ, vous aurez du mal à accepter votre sort. Mais vous verrez : dans quelques années, vous comprendrez. Vous relirez ce billet et vous comprendrez.

1. L'animationa Famillius
Le stade le plus élémentaire de l'évolution. Doté d'une intelligence très limitée et facilement influençable, l'animationa Famillius ne comprend que les histoires de bien et de mal, de méchants contre gentils. Ses seuls stimuli sont les couleurs vives et les mouvements vifs. Par conséquent, il est fortement enclin à regarder un film encore et encore, jour après jour, en particulier s'il comporte des animaux qui parlent, des princes et des princesses, des cowboys et des indiens ou des guerriers intergalactiques.
Films préférés : LE ROI LION, STAR WARS: LA MENACE FANTOME, ALVIN & LES CHIPMUNCKS

2. L'Actionus Comedica Blockbusterus
Le second stade de l'évolution ouvre la voie des thèmes plus adultes. Le cerveau s'est développé. Chez le mâle, cela se traduit par un goût très prononcé pour l'action, les bagarres, les explosions et la comédie. Il ne comprend toutefois que les blagues les plus grasses, notamment celles impliquant le sexe (qu'il ne pratique pas), le caca, le pipi et le vomi. La femelle, au contraire, développe un goût certain pour la romance sous toutes ces formes. Les deux ont un appétit sexuel inassouvi extrême qui les poussent à vouer un culte souvent démesuré à, respectivement, une actrice à gros seins ou un acteur imberbe.
Films préférés : FAST & FURIOUS, TWILIGHT, SPIDER-MAN

3. L'independantum Sundancius
Lassé des explosions et de l'eau de rose, l'independantum Sundancius a soif de connaissances (en grande partie pour impressionner le sexe opposé) et se dirige naturellement vers le stade suivant de l'évolution : le cinéma d'auteur indépendant. Il ou elle se nourrit d'histoires d'amour qui finissent mal, de familles dysfonctionnelles et d'adolescents rebelles. Ce n'est alors qu'après avoir regardé beaucoup de gens se droguer à l'héroïne qu'il pourra passer au stade suivant de l'évolution.
Films préférés : REQUIEM FOR A DREAM, PULP FICTION, TRAINSPOTTING

3.5. Le Snobinaucus Hipstera
Il peut arriver que l'évolution ait ses ratés et engendre des anomalies. Non qu'elles soient primordiales pour comprendre les tenants de cette théorie, il est quand même important de les mentionner. C'est ainsi qu'entre l'Independantum Sundancius et l'Oscarus Recompensia se développe parfois le phénomène du Snobinaucus Hipstera. Après avoir ingurgité beaucoup de films sur les problèmes du monde et en particulier de sa jeunesse, celui-ci ressent alors le besoin de développer un sens aigu du cinéma qui le conduit, non vers le calme et la sobriété d'auteurs majeurs mais plutôt vers la marge, les cinémas extrêmes, du nanar au film étranger underground. Il est persuadé d'avoir un sens très développé de "l'ironie".
Films préférés : TRANSMORPHERS, l'intégralité de l'oeuvre de Takashi Miike et de Werner Herzog

4. L'Oscarus Recompensia
Vient un stade de l'évolution où l'independantum Sundancius ne supporte plus les caméras qui bougent et les montages à la hache sur fond de musique techno. Ça lui monte à la tête. Il évolue alors en Oscarus Recompensia. Il continue d'apprécier les films aux puissants thèmes adultes - lui évitant de régresser - mais filmés avec le calme et la sérénité auxquelles il aspire désormais. Il a alors plus de temps pour savourer le travail du chef opérateur, du décorateur et du scénariste et, par la même occasion, découvrir les films plus anciens, les "classiques" et tout un tas de films "étrangers" (coréens, iraniens etc.)
Films préférés : LE DISCOURS D'UN ROI, LE PATIENT ANGLAIS, SUR LA ROUTE DE MADISON

4.5. Le Regressum Navarris-Lescauta
Avant d'atteindre le cinquième et dernier stade de l'évolution, il existe une étape dangereuse, une zone d'ombre qui aspire beaucoup et n'en relâche quasiment aucun. Ce stade intermédiaire conduit en effet beaucoup à la régression. Mais ceux-là ne reviennent pas au stade premier de l'évolution. Non. Ils régressent à un stade encore inférieur. Celui du néant... celui des téléfilms français. Toutes idées de scénario, de jeu d'acteur et de mise en scène, de thématiques adultes ont alors été abandonnée au seul prétexte de la fatigue.
Films préférés : Ceux d'avant.

5. Le Cinephilium Sapien
Le stade ultime de l'évolution, celui qui permet d'apprécier tous les films à leur juste valeur, sans à priori, sans jugements hâtifs. Après avoir tout vu, tout entendu, tout jugé, tout critiqué, le Cinéphilium Sapien a atteint un niveau de sagesse qui lui permet d'apprécier autant le blockbuster avec des explosions et des blagues de cul que le drame suédois en noir et blanc sur la condition humaine. Son amour du cinéma, qui ne s'exprime que dans la nuance, est pur.
Films préfrés : L'intégralité de l'oeuvre de Ingmar Bergman - qui lui échappait totalement jusque là.

P.S : Ce texte est inspiré de "The Six Stages of Movie Geek Evolution" publié par The Droid You're Looking For.


10 juin 2011

La Playlist Infinie #41 : Cults


Je ne sais pas ce que j'ai avec les groupes/duo garçon/fille. Ils attirent toujours mon attention plus que les autres. Dans cette rubrique, il y a déjà eu Matt & Kim, Elsiane, The Indelicates, Cloetta Paris, Slow Club.

S'ajoute donc à la liste CULTS alias Madeleine Follin et Brian Oblivion, deux anciens étudiants en cinéma, en couple à la ville qui décidèrent de monter un groupe. Problème : les deux n'ont pas du tout les mêmes goûts. Lui aime le mathcore, Aphex Twin et Squarepusher - malgré un look laissant penser qu'il est resté bloqué à Seattle en 1991. Elle, au contraire, aime l'Americana, des trucs comme Bob Dylan, The Band. La plupart des couples n'auraient pas survécu plus de quelques mois à ce genre de différences. Eux ont persisté, cherchant des points d'accord. Et ils l'ont trouvé lorsque Brian se mit à écouter un album des Ronettes. Ils avaient trouvé : sans le savoir, les deux aimaient la pop 60's. CULTS était né.

Et ils n'ont pas mis longtemps à se faire remarquer. Lily Allen les signa sur son label tout frais et c'était parti. Leur album éponyme est une pure merveille qui raisonne très largement au son 60's qu'affectionne nos deux tourtereaux mais sans aucune nostalgie mal placée. Au contraire, la passion musicale de Brian pour les sons bruts et minimals et la voix boostée à l'énergie pure de Madeleine font de leur musique une partition extrêmement moderne... Et c'est particulièrement évident sur le single Abducted, ma bande-son du printemps en clip ci-dessous...








07 juin 2011

L.A. L.A. (Big City of Dreams)

La première fois que mes pieds ont touché le sol américain, j'avais 15 ans. Ce fut un choc. Je pouvais enfin mettre un peu de réalité sur beaucoup d'images qui traînaient un peu partout dans les recoins de ma tête. J'étais fasciné. L'Amérique était fascinante. C'était le début du mandat de Bill Clinton. Douze ans que l'Amérique était sous règne républicain. Kurt Cobain venait de se suicider mais tout le monde portait encore des T-shirts Nirvana. Tout le monde écoutait Rage Against The Machine, Smashing Pumpkins et les Beastie Boys. MTV passait en boucle ses pubs pour le Woodstock '94 entre deux épisodes de Beavis & Butt-Head. Comme le disait alors B-Real de Cypress Hill, "They say we're Generation X, but I say we're generation fuck you". Aujourd'hui, tout ça résonne comme un truc d'ado à la recherche de modèle de rébellion mais j'ai l'impression, dans mon coeur de trentenaire, que ça veut dire encore quelque chose, que découvrir (de l'intérieur) les Etats-Unis à cette époque avait un caractère réellement magique.

L'été suivant, je posais le pieds en Californie. Ce ne fut plus un choc. Ce fut une révélation. CLUELESS sortait au cinéma et je crevais d'envie de voir WATERWORLD. Los Angeles est devenue instantanément une de mes villes préférées au monde (mais j'en ai pas vu tant que ça, au final, hein!). Toutes ces villes américaines que les européens adorent parce qu'ils y retrouvent le charme décuplé de leurs chères métropoles maison m'emmerdent (San Francisco, si tu me lis...). Mais j'aime d'amour Los Angeles, ses autoroutes à 6 voies, ses canaux asséchés, son béton, ses multiples "grandes" villes à l'intérieur de la très grande ville, ses gens qu'on semble ne jamais voir à l'intérieur de leur Hybrid et de leur Hummer. C'est bizarre pour un européen élevé aux expresso en terrasse dans l'ombre de monuments plusieurs fois centenaires mais c'est comme ça...

A la seule exception de la très chère Aurore, je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui aime à ce point cette ville. Los Angeles, c’est James Ellroy et « le Dahlia Noir », c’est Tom Cruise, c’est Buster Keaton et Charlie Chaplin, c'est Tarantino, c'est Betty Page, c’est Barton Fink, c’est Sunset Boulevard et John Belushi. C’est même « Pretty Woman », Brandon et Brenda, « Melrose Place » et Pamela Anderson ! Los Angeles, c’est tout ça à la fois : du sexy, du trash, du glamour et de la mélancolie, des scandales et des grandes histoires d’amour. Los Angeles, c'est toute la contradiction qui fait toutes les grandes cités : les skaters et les malls fluos du "Free Fallin'" de Tom Petty aux violences extrêmes de "Welcome To The Jungle" de Guns N'Roses ou de "Straight Outta Compton" de NWA en passant par le pur hédonisme de "California Love" de 2Pac. Bref, Los Angeles, c'est toute la pop culture résumée en une seule ville, c'est un fantasme réalisé à chaque coin de rue.

Du coup, après mes deux années de prépa et juste avant de sortir du cocon familial, j'y suis retourné. Plus longtemps. J'avais 20 ans et rien n'avait changé. Toujours le même plaisir à déambuler dans les malls géants et à naviguer dans les rues de la métropole, le coeur en émoi et les yeux brillants au soleil. Mais je n'y étais plus retourné depuis plus de 10 ans, faute d'argent et d'un intérêt plus ou moins disparu pour l'Amérique des années 2000, celle de George Bush, de American Idol et de Paris Hilton (On s'invente les excuses que l'on peut).

Et là, quelque chose a changé.

Est-ce moi qui ait vieilli ? Sûrement un peu. Est-ce de la lassitude ? Je ne crois pas. En 10 ans, quel changement assez fort pouvait m'empêcher de retrouver (un peu) de ces expériences si fascinantes et magiques de voyage ? La réponse m'est apparu assez rapidement en fait. Le premier jour. Au moment où j'ai allumé la télé de ma chambre d'hôtel, j'ai compris ce qui avait changé, pourquoi Los Angeles (et plus généralement les Etats-Unis) n'avait plus le même visage.

Internet.

Le talk-show sur NBC : suivi en streaming sur le site de la chaîne. Le clip sur MTV : vu sur YouTube une semaine auparavant. La télé qui, il y a 10 ans, participait énormément à mon "ressenti" du pays n'a plus vraiment rempli son rôle. Plus rien n'y était surprenant. Par exemple, j'étais super excité de choper en direct le season finale du MENTALIST mon premier jeudi sur place. Quelques heures plus tard, ma timeline "française" sur Twitter le racontait déjà dans les détails. Le plaisir de découvrir une nouvelle série avant tout le monde est épuisé. Le plaisir de regarder les talk-shows de Conan ou Letterman et des épisodes live du Saturday Night Live, des choses auparavant totalement inaccessibles au "commun des mortels" a disparu. Toutes ces choses qui vous font vous sentir uniques et très chanceux ont disparu - à jamais.

C'est la même chose pour le cinéma. Ce que les chaînes de télé commencent à peine à comprendre, les studios se mettent à l'appliquer à grande échelle. Leurs bébés les plus précieux, leurs blockbusters estivaux à 150 millions de dollars (et plus) de budgets sont les plus enclins à être télécharger (illégalement) et donc la sortie mondiale s'impose (presque toujours). Résultat : l'affiche des multiplexes américains ressemblent beaucoup à celles de leurs confrères français. THOR, FAST & FURIOUS 5, THE HANGOVER 2, KUNG FU PANDA 2, PIRATES DES CARAÏBES 4, c'est à peu près le seul programme ciné possible - compte tenu que deux à quatre films seulement sortent en salles chaque semaine (ça s'appelle la diversité culturelle "à l'américaine") et que les films étrangers et indépendants sont devenus aussi rares qu'une Smart sur une autoroute californienne. Moi qui aurait bien aimé voir EVERYTHING MUST GO avec Will Ferrell et HESHER avec Joseph Gordon-Levitt et Natalie Portman, deux petits films indés sortis durant mon séjour, j'ai donc pu aller me gratter. Heureusement qu'il y avait BRIDESMAIDS (le 10 août en France).

De le même façon, un de mes grands plaisirs était de dénicher des CD introuvables en France, des albums de rappeurs tellement underground qu'ils ne franchissaient jamais l'Atlantique, des trucs qui, je le savais, ferait baver mes petits camarades qui s'empresseront d'en faire une K7. Il y avait aussi les DVD, les films jamais sortis en salles ou en DVD, des petits films indépendants récompensés à Sundance et autres. Le voyage aux Etats-Unis était alors le seul moyen de se les procurer pour un prix "raisonnable". Désormais, et ce fut la plus grande surprise (et déception) de mon récent voyage, les magasins de CD/DVD n'existent (presque) plus. Tower Records, la chaîne si emblématique de la musique en Californie (notamment avec son célèbre magasin sur le Sunset Strip près du Chateau Marmont), a fait faillite en 2006. Les magasins Sam Goody ont tous été transformé en F.Y.E et ne hantent plus que les malls des zones de très lointaines périphéries. Il reste bien des Best Buy mais quel est le plaisir d'acheter des DVD chez Best Buy (équivalent américain de Boulanger) ?

D'ailleurs, les malls, parlons-en ! Je me souvenais de ces temples de la consommation avant tout comme des temples de la jeunesse. Ça sentait un mélange de graillon, de cannelle et de barbe à papa. C'était rempli de salles de ciné, de magasins de disques et de jeux vidéo, de marques comme Fubu et Karl Kani, de gadgets fun et pop, de salles d'arcade, de fast-foods et de magasins de bonbons. Les stars du petit écran venaient y faire des séances de dédicaces. Les mecs venaient y draguer des filles venues y présenter leurs plus beaux apparats. Il y a encore dix ans, déambuler dans les allées d'un mall américain, c'était y rencontrer l'Amérique, la vraie. Désormais, une bonne partie de ces temples (surtout en Californie) ont été racheté par le groupe australien Westfield qui les a transformé en temple de la Desperate Housewives. Les odeurs sucrées ont été remplacés par des odeurs de parfum d'intérieur cheap; les magasins de la contre-culture ont été remplacés par des chaînes de vêtements aussi consensuels que Banana Republic et Abercrombie & Fitch; les salles d'arcade et les cinémas ont été virées ; les allées sont d'un blanc marbré immaculé ; les endroits pour squatter et glander avec les copains ont été purement et simplement éliminés. Bref, les seules jeunes que vous croisez désormais dans les malls sont la progéniture de cougars venues acheter leur nouveau string rose fuchsia chez Victoria's Secret. Même la culte Galleria de Sherman Oaks (QG des Valley Girls et mall des lycéens de FAST TIMES AT RIDGEMONT HIGH ou RETOUR VERS LE FUTUR 2) a été totalement défigurée par une rénovation destinée à concurrencer le visiblement plus attractif et récent mall Westfield situé à 2 miles de là.

Mais, heureusement, il y a des choses immuables. Des trucs qui feront de Los Angeles une ville à part dans mon coeur : le goût des Double Cheese Burger de In & Out, sans doute les plus bons burgers de fast-food du monde et uniquement disponible en Californie (et sud-ouest des Etats-Unis), la folie de Venice Beach, entre ces boutiques totalement dingues (le freakshow, les Kush doctors...), sa population d’artisans ambulants, de freaks en tous genres et de skaters, la fabuleuse ambiance de la 3rd Street à Santa Monica avec ces magasins coolos, ses cinémas et ses restaurants et évidemment tout le reste, les trucs de touristes absolument géniaux (la visite des studios, Sunset Boulevard, le Griffith Observatory qui éveille à chaque fois le souvenir de James Dean, Beverly Hills qui a quand même perdu de sa superbe depuis que Kelly Taylor a été remplacé par Naomi Clark...)

Et quelle sensation de découvrir pour la première fois le quartier de Downtown (recommandé par Aurore mais interdit par mes hôtes dans les 90's), l'impression de se retrouver dans une sorte de monde post-apocalyptique en pleine rénovation avec ses boutiques latino un peu cheap, son Grand Central Market où se cotoit dans un joyeux bordel toutes les communautés culinaires de la ville, ses bâtiments début 20e siècle à l'architecture incroyable (le Bradbury Building, vu dans BLADE RUNNER et 500 DAYS OF SUMMER est une expérience sublime) mais souvent en piteuse état depuis plusieurs décennies, ses vieux théâtres désaffectés mais aussi ses complexes ultra-modernes comme le Walt Disney Concert Hall de Frank Gehry.

De toute façon, changements ou pas, Internet ou pas, peu importe où vous allez à Los Angeles, vous êtes dans un film. Toujours. Je vous raconterais, un jour, quand je me suis retrouvé sur le tournage de ALERTE A MALIBU. Un jour. Et c'est ça la magie de cette ville. Derrière le béton et les autoroutes, il y a tous ces rêves qui ont traversé notre tête devant un grand ou un petit écran. Ces rêves, ils construisent la ville au quotidien. Et aucune ville dans le monde, aussi réelle, aussi brute, n'est construite que de rêve... Sauf Los Angeles.