12 février 2010

La passion d'Anvil

Je crois qu'il n'y a rien de plus beau que la passion. Quand j'écoute quelqu'un me parler sans discontinuer de sa passion pour un groupe, pour un acteur, un film, la musique, un métier, pour un écrivain ou tout autre chose, ça me fait frissonner. Je trouve ça magnifique. Cette passion ordinaire, c'est ce qui nous rend humain car elle nous permet de vivre au jour le jour. Elle nous permet d'avancer, de faire des choses extraordinaires. C'est cette passion qui nous a offert les plus grands chefs d'oeuvre du cinéma ou de la musique.

Regardez Martin Scorsese en interview. A 67 ans, plus de 30 films au compteur et 40 ans de carrière, le réalisateur est un moulin à paroles lorsqu'on l'interroge sur sa mise en scène ou sur les films, les acteurs et autres réalisateurs qui l'influencent, le font frissonner de plaisir. Il est intarissable. Et ça le rend jeune. Ces films aussi. Ils sont toujours aussi forts, passionnants. Il a l'enthousiasme d'un jeune homme. Pas encore blasé. Toujours vif. Voyez aussi cette vidéo dans laquelle le compositeur de musique de films Angelo Badalementi explique comment il a crée le thème mythique de la série TWIN PEAKS. Il est en larmes. Le simple fait d'expliquer son art, de se rappeler d'un moment de musique le plonge dans une sorte d'état second, entre pure joie et mélancolie. Et je trouve ça beau.

Ce que je trouve beau aussi, c'est le groupe ANVIL. Je déteste le métal. Vraiment. En écoutant ce genre de musique plus de 2 minutes, j'ai envie de m'arracher les dents de sagesse avec une pince rouillée, me couper l'appareil génital à la tronçonneuse ou m'enfoncer un pied de table Ikéa dans le coeur - en fonction du lieu et de la situation du moment. Et pourtant. En sortant de la projection "très intime" (5 personnes dans une salle de 300 places) du documentaire ANVIL : THE STORY OF ANVIL, j'avais envie de laisser pousser mes cheveux (ce qui, avouons-le, risque d'être difficile) pour me faire une permanente, de porter des jeans moulants, du masquera, des T-shirts zébrés et hurler dans un micro des hymnes comme "Metal On Metal, It's what I crave, The louder the better, I'll turn in my grave", la guitare électrique en bandoulière. J'avais envie de m'acheter les 13 albums du groupe et exploser ma CB en T-shirts et autres merchandising brandés ANVIL.

Au milieu des années 80, ANVIL fait partie de la nouvelle vague du métal aux côtés de groupes comme Anthrax, Slayer, Bon Jovi, Metallica ou Guns N Roses. Ils sont considérés comme les plus talentueux et précurseurs par leurs confrères de l'amicale de cheveux longs permanentés qui font beaucoup de bruit avec leurs guitares et leurs voix aiguës. Tous s'accordent sur le fait que Steve "Lips" Kudlow, Robb Reiner et Glenn Five sont les futurs grandes stars du rock qui fait du bruit.

Mais non. Rien de tout ça. Près de 30 ans après leur premier album, ils ne sont toujours pas devenu les rock-stars tant espérés et attendus. Un destin peu enviable mais restant le lot des la très grande majorité des groupes se lançant dans la grande aventure du business de la musique. C'est comme ça. Ça l'a toujours été. Le talent n'est pas toujours synonyme de succès (Dans ce registre, voyez aussi le fabuleux documentaire DIG! sur le destin croisé des groupes Dandy Warhols et du Brian Jonestown Massacre).

Mais il y une différence majeure entre ANVIL et les centaines de milliers d'autres groupes qui n'ont jamais percé : ANVIL est toujours là. Porté par la personnalité taquine et joviale de Lips, son chanteur qui, dans sa jeunesse, portait sur scène un costume sado-maso et jouait de la guitare avec un gode, le groupe a poursuivi sa route pendant toutes ces années.

En marchant sur le fil de la passion, toujours à deux doigts de tomber dans l'auto-destruction fatale et le chaos financier et psychologique, le groupe s'est entêté, est resté soudé comme au premier jour, n'a jamais abandonné. Ils ont joué dans des bouges d'Europe de l'Est devant cinq alcooliques et ont subi les pires humiliations qu'un groupe puisse subir. Mais ils ont continué. Portés par le soutien de leurs proches. Portés par l'envie de réussir. Portés par leur passion de la musique. Ils ont beau être parfois à la limite du pathétique, c'est toujours d'une beauté assez incroyable de les voir interagir. Juste pour la beauté de l'art. Loin des habituels conflits d'égos qui hantent les documentaires rock (de la parodie SPINAL TAP au SOME KIND OF MONSTER de Metallica, par exemple). Juste une bonne grosse dose d'humanisme, d'amitié et d'amour de la musique.

Et ça fait du bien. Ces types vous remontent le moral. Pas dans le sens "Qu'est-ce qu'ils font pitié". Pas dans le sens "Au moins, je ne suis pas le seul à galérer". Dans le sens, "Je peux y arriver. Ça prendra le temps qu'il faut mais j'y arriverais." C'est une vraie philosophie de vie de se dire ça : un vrai mélange de confiance, de folie, de goût du risque et d'humanisme. Et cette philosophie, c'est à mon avis la seule qui vaille. C'est elle que j'ai envie de suivre lorsque j'écrit ce blog. C'est elle que j'ai envie de suivre dans la poursuite de mes rêves et de mes ambitions professionnelles, amicales et amoureuses.

Cette philosophie, sorte de "passion raisonnable", qui tient compte à la fois de son propre égo, de ses propres envies et désirs mais aussi et surtout des autres. Parce que ANVIL sans la famille, les amis et les fans, ce serait vraiment pathétique.

Je dis donc MERCI à ces petits bonshommes chevelus pour toute l'inspiration qu'ils peuvent offrir à ma personne et au monde grâce à leur passion...



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