03 mai 2010

Le retour du vidéo-clip de 10 minutes

Il paraît qu'on peut parler de tendance à partir de trois. Et bien, la voilà, la tendance. En moins de trois mois, trois vidéo-clips ont crée l'évènement en jouant la longueur, affichant tous au compteur des durées d'au moins 9 minutes. "Born Free" de MIA. "Telephone" de Lady Gaga et Beyonce. "Rock That Body" des Black Eyed Peas. Autant de clips qui redonnent au vidéo-clip l'importance qu'il pouvait avoir dans les années 80 et 90 quand Michael Jackson faisait lever les morts ("Thriller"), Axl Rose pleurait sa défunte épouse ("November Rain") ou Snoop Dogg se faisait dézinguer ("Murder Was The Case"). Dans une industrie musicale sinistrée, les vidéo-clips rejouent les prolongations, affichant au compteur des durées de court-métrage, à défaut de jouer la qualité. Mais peu importe la qualité (pour l'instant). Peu importe qu'on les aime ou qu'on les aime pas. Les vidéo-clips redeviennent des sujets de discussion et de débat. Ils sont à nouveau des évènements.

Et voici pourquoi...

1. LA VALEUR AJOUTÉE
La musique en tant qu'objet, il va falloir se faire une raison, c'est terminé. Bye Bye CD. Adios vinyls. Auf Wiedersehen K7. Sayonara cartouches 8 pistes. Mais l'industrie musicale, qui s'est gavée pendant des décennies avec des marges exorbitantes, n'est pas encore décidée à faire son deuil. Normal. C'est jamais facile de dire au revoir aux billets de 500, aux putes et à la coke. Bref. Dans une tentative (désespérée) de vendre (encore) ses bouts de plastique qui font de la musique, les maisons de disques tentent de les sublimer : boitiers "collectors", vidéos-interviews-making of bonus, morceaux live, démos et tout un tas de trucs censés rendre "intéressants" ce qui ne l'est définitivement plus. Et le clip de 10 minutes procède de la même stratégie : sublimer un objet (le clip) qui ne l'est plus vraiment, sublime. Rendez-vous compte que MTV a abandonné les vidéo-clips au profit des grosses fesses de Kim Kardishian et des seins refaits de Heidi Montag. Et quand vous vous rabattez sur le net, on vous fait patienter (gentiment) devant une pub de 15 secondes pour du gel douche. Il fallait donc redonner une justification à cette attente et cet effort : le clip de 10 minutes. Une réponse encore une fois un peu anachronique mais, que voulez-vous, la créativité marketing a disparu des maisons de disque en même temps que la coke.

2. L'IMAGE
On vous a sûrement un jour susurré à l'oreille que la pop-music n'était plus un gros mot. Les années 2010 font désormais honneur aux chanteuses blondes qui se trémoussent sur des mélodies putassières. La mode est aux extravagances gagaesques. La pop-star "bigger than life" est de retour. Et pour "être plus grande que la vie", la pop-star doit avoir des clips "plus grands que la vie". C'est la leçon qu'elles ont appris de Michael Jackson, de Guns N'Roses et de Madonna. Une vraie pop-star qui se respecte doit avoir des clips qui en foutent plein la gueule car la musique ne suffit pas. Il faut de L'IMAGE, car il n'y a que L'IMAGE qui suscite de vrais réactions. Et la réaction, c'est la carburant de la pop-star - surtout quand elle est blonde et n'a souvent que ça à vendre.

3. LE PRIX
La démocratisation numérique a eu deux effets sur l'oeil humain : l'habituer aux images toujours plus lisses, riches en pixels et chers (voir AVATAR) et l'habituer aux mouvements de caméras intempestifs, aux zooms foireux et au son qui fait mal aux oreilles (voir YouTube). Si vous ne vous appelez pas Michael Jackson et n'avez pas 7 millions de dollars à mettre dans un clip ("Scream"), vous avez donc quand même votre imagination et/ou votre sens de la provocation pour rendre, vous aussi, votre vidéo-clip EPIQUE. Des millions de gens ont regardé le trip hallucinatoire du petit David après le dentiste. Pourquoi pas votre vidéo avec des mecs sur des tapis de course ("Here It Goes Again" de OK GO) ? Pourquoi pas votre vidéo où vous vous désappez en pleine rue ("Lessons Learned" de Matt & Kim, "Window Seat" de Erikah Badu) ? Pourquoi pas votre vidéo avec vos potes en T-shirts AA ("Open Your Heart" de Mia Doi Todd) ? Tout le monde peut faire un clip. Et si vous voulez quand même faire un chèque de quelques millions de dollars pour en foutre plein la vue à vos copines, vous avez toujours moyens de faire financer le tout par une (ou plusieurs) marque. La seule chose à faire, ce sera de mettre un plan de quelques secondes sur le produit. Votre crédibilité artistique en prendra un coup mais vous n'en avez rien à foutre car votre clip durera 10 minutes et, peu importe la qualité, tout le monde en parlera sur Facebook, Twitter et autres blogs.


3 commentaires:

  1. "ce qui ne l'EST définitivement plus. Et le clip de 10 minutes procède de la même stratégie : sublimer un objet (le clip) qui ne l'EST plus vraiment, sublime"
    Je ne suis pas une acharnée de l'orthographe, mais là, je me devais de te le dire. ;)
    Je viens régulièrement sur ton blog, même si je n'ai jamais commenté, (je ne sais pas pourquoi, j'ai du mal à m'y mettre alors que je suis de nombreux blogs...)et je te trouve toujours très pertinent et très drôle. Je t'encourage à continuer parce que ça fait du bien cet oeil critique et avisé et cet humour décapant ! Au milieu de la masse assez informe qu'est la blogosphère, ton blog sort vraiment du lot par sa qualité.
    Voilà, aprés cette belle envolée lyrique, bonne journée =)

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  2. @Leila : tu fais très bien de me signaler mes fautes d'orthographe qui, je le sais, sont bien trop nombreuses. Je me relis pourtant - mais clairement pas assez. Je vais tâcher de faire attention. :) Ça aura au moins permis que tu me laisses ce commentaire si gentil. ;) MERCI !

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  3. Mais avec plaisir, c'est sincère en tout cas. Et puis merci à toi pour de belles découvertes musicales, pour m'éviter d'aller voir de belles daubes au cinéma, pour me conforter dans mon idée qu'Avatar, c'est le mal (!), et que Zooey Deschanel serait la fille idéale si j'étais un homme, pour parfaire ma culture cinématographique (qui n'est pas trés étoffée, je dois l'avouer), et surtout pour me faire rire !

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