17 juillet 2011

Women

Première mise en situation : je suis un garçon hétérosexuel de 32 ans qui se retrouve à prendre un verre avec deux filles qui parlent de cosmétique, de blogueuses mode et de Buffy Contre les Vampires. Deuxième mise en situation : je suis un garçon hétérosexuel de 32 ans qui se retrouve à prendre un verre avec deux garçons qui parle de Michael Bay, de football et de la dernière playmate à gros seins à avoir fait grâce de sa présence à la couverture de FHM. J'avoue : je caricature - légèrement. J'ai plus ou moins vécu les deux situations. Mais laquelle je préfère ? La réponse sera aussi transparente que le script d'une comédie romantique avec Sandra Bullock : la première.

J'ai un vrai problème quand il s'agit de sociabiliser avec des congénères du sexe masculin. A moins de se trouver de vrais goûts et hobbys communs, je ne sais pas leur parler. J'ai du mal à m'intéresser. Un mec, c'est basique, rarement capable de sincérité et de sensibilité. Je le sais bien, je fais moi-même parti de l'espèce. Au contraire, les filles, ça s'exprime, ça se livre (plus ou moins), ça vit de l'intérieur et ça le montre à l'extérieur. Encore une fois, désolé de la caricature mais avouez qu'il y a une bonne part de vérité. Un petit tour sur Twitter et sur la blogosphère et il est assez simple de s'en rendre compte. Résultat : une soirée entre potes autour d'un match de foot à la télé et d'une pizza ressemble pour moi à quelque chose proche de ce que j'imagine être l'enfer alors qu'une après-midi shopping avec des filles ressemble, à défaut du paradis, à une des choses les plus intéressantes et fascinantes que je connaisse. C'est bizarre ? Peut-être. Je suis comme ça et j'aime être comme ça. Je n'ai pas l'impression d'être moins hétérosexuel ou moins viril. Question de sensibilité ou même de curiosité.

Sans aucun sous-entendu sexuel de quelque sorte, je préfère la présence des filles. C'est le plus souvent avec elles que j'ai envie de discuter, d'échanger. Quant aux confidences, je n'ai pas le choix : je n'arrive à confier les tréfonds de mon coeur et de mon âme qu'à des filles (BFF est une fille!). Et elles me le rendent bien, dans tous les domaines : de l'Amour au cul, en passant par l'amitié, le boulot et toutes les autres petites et grandes choses qui font la vie. J'aime écouter. J'aime écouter les anecdotes, les peines, les doutes, les joies... Je ne sais pas si je suis d'un grand réconfort. Ce n'est pas à moi de le dire. Mais j'écoute. Et j'apprends. J'apprends des choses qui, forcément, me rendent meilleurs. C'est comme un voyage : apprendre sur l'autre, l'étranger, sa manière de penser, d'agir. Ca permet de se remettre en question, de devenir quelqu'un de meilleur par l'expérience d'autrui, d'élargir ces champs de visions.

Ce sont toutes ces histoires, anecdotes, expériences, bonnes ou mauvaises qui m'ont poussé, il y a quelques années, à commencer à écrire des scénarios. Ça et le fait d'être tombé amoureux de l'auteur de quelques unes d'entre elles. Et il paraît que ça se voit. Quand vient le temps d'affronter les avis de lecteurs, c'est en effet ce que tout le monde me dit. Mon personnage principal a beau toujours être un garçon, ce sont les personnages féminins principaux que tout le monde retient en premier. Et ceci n'est que le cas où le lecteur arrive à comprendre le but intrinsèque du truc quand toutes mes lectrices saisissent immédiatement où je voulais en venir. Visiblement, mes personnages féminins accrochent avec les filles. Pourtant, je n'ai pas l'impression d'être particulièrement tendre. A défaut d'écrire telles quelles les histoires entendues, je tente de retranscrire au plus près des sentiments bien réels. Je parle ainsi de filles qui sont parfois lâches, jalouses, très peu sûres d'elles, des filles timides, débauchées, amoureuses ou cyniques, la plupart du temps, tout à la fois.

Je lis régulièrement que Quentin Tarantino est un des réalisateurs les plus féministes du monde et l'argument principal y est le très classique "il écrit des rôles de femmes fortes" – à priori l'inverse de moi. Jackie Brown, The Bride, les filles de DEATH PROOF sont effectivement des sacrées dures à cuire. Forcément, c'est valorisant de se voir représenter comme des filles qui ne se laissent pas faire et savent rendre la monnaie de leur pièce aux violeurs, meurtriers, psychopathes et autres machos qui considèreront toujours les femmes comme rien d'autres que des vagins à fourrer. Dans le domaine, on part de loin et il est salutaire que ces personnages existent. La liste est facile à faire. Elle est disponible sur à peu près tous les sites et magazines de peu d'imagination qui ressortent à intervalle régulier leur top 10 des "ass-kicking women" : Lara Croft, Foxy Brown, Alice (RESIDENT EVIL), Ellen Ripley (ALIEN), Sarah Connor (TERMINATOR 2), Kate (LOST), Trinity (MATRIX) et j'en passe. Le 27 juillet prochain, c'est COLOMBIANA qui viendra peut-être s'ajouter à la liste.

Mais de tels personnages sont-ils censés dire aux filles qu'elles sont fortes ou sont-ils juste censés faire bander les mecs ? Car qu'est-ce qui est le plus important dans ces films : que l'héroïne soit capable, comme n'importe quel alpha-Mâles aux abdos et biceps saillants avant elles, de botter le cul d'une armée de mercenaires armés jusqu'au dent ou qu'elle le fasse en combinaison moulante pour offrir la meilleure expérience possible de matage de cul-cul au moment où elle levera la jambe pour faire des high-kick ? C'est une question et je ne suis pas sûr d'en avoir la réponse – tout est sûrement une question à étudier au cas par cas.

Reste qu'elles ont toutes été créées et écrites par des hommes et le fait qu'elles soient des femmes semble, la plupart du temps, relevé de l'artifice total. Toutes pourraient en effet être remplacés par des hommes sans que le film en souffre. La seule chose qui les différencie réellement, c'est un conflit intérieur lié à leur instinct maternel (Ellen Ripley, Kate de LOST, The Bride, Sarah Connor). Bonjour les clichés ! Schwarzenegger dans COMMANDO ne cherchait-il pas lui aussi à sauver sa fille ? Tout ça relève en fait d'une belle hypocrisie. Les filles d'aujourd'hui veulent être montrées comme des êtres humains forts et indépendants alors c'est ce que Hollywood leur offre. Voyez le récent SALT avec Angelina Jolie, archétype du genre qui n'a cessé de jouer ce rôle de "femme d'action" depuis dix ans. A l'origine, dans le premier scénario, son personnage était un homme...

Dans le registre, tout est interchangeable.

Ce n'est pas le cas quand une femme est aux manettes. Un problème toutefois : c'est rare. On en revient à la "femme forte et indépendante". Mais quand Callie Khouri, Tina Fey, Diablo Cody et les autres membres du "Fempire " (Liz Merriweather, Dana Fox, Lorene Scafaria) se mettent à écrire sur des femmes, elles laissent volontiers le modèle de la "femme forte", comme décrite plus haut, aux hommes. Le modèle "je casse la tête à des narcos machistes et des rednecks violeurs mais j'ai laissé ma tête à l'armurerie", ce n'est pas trop pour elles, laissant ça à Luc Besson et à Angelina Jolie. Ce qui les intéressent, ce n'est pas d'écrire des femmes fortes, c'est d'écrire des femmes comme les autres et, pour ça, aussi choquant que cela puisse paraître au premier abord, elles ont besoin d'insister sur leurs faiblesses.

Qui est un meilleur modèle ? The Bride qui casse la gueule à des tueurs professionnels ou Liz Lemon qui passe pour une inadaptée sociale à regarder obsessionnellement STAR WARS en bouffant de la junk-food tout en en ayant une dizaine d'hommes à son service au bureau ? Sarah Connor qui protège son fils au péril de sa vie ou Juno qui abandonne son enfant à naître à quelqu'un qui le souhaite vraiment ?

Dans une récente interview à la radio, le réalisateur de BRIDESMAIDS (MES MEILLEURES AMIES en VF), Paul Feig, disait de son héroïne qu'elle était un "strong women character". L'intervieweur remarqua alors que Annie, le personnage principal du film, lui semblait loin d'une "femme forte" - à raison, le personnage ayant un sacré bordel dans la tête - ce à quoi Feig répondit qu'il s'était assuré de la montrer dans sa "précédente vie" comme une solide chef d'entreprise. Argument bizarre. Elle est "forte" parce que, dans le temps, elle avait une pâtisserie à elle toute seule ?

C'est typique : le réalisateur s'est emmêlé les pédales dans son interview à cause d'une fausse perception de ce à quoi doit ressembler une "femme forte". Il a dit (à la radio) qu'elle était "forte" parce qu'elle avait réussi dans la vie mais a sûrement pensé (dans sa tête) qu'elle était "forte" parce qu'elle était simplement réelle, en 3 dimensions, complexe, pleine de défauts et de contradictions. Elle blesse quelqu'un parce qu'elle est elle-même blessée; elle est jalouse de sa meilleure amie et de la nouvelle meilleure amie de sa meilleure amie; elle s'embarque, en toute conscience, dans une relation avec un homme qui la traite comme de la merde; elle est obligée de vivre avec des colocs psychopathes qui la traite, eux-aussi, comme une moins que rien. Annie, incarnée et écrite par Kirsten Wiig, n'est pas "forte". J'irais même jusqu'à dire qu'elle est "faible" et c'est clairement ce qui fait qu'on s'identifie à elle – filles comme garçons. Avec ses 160 millions de dollars de recettes au box-office américain, il est fort à parier que beaucoup de gens se sont identifiés à Annie. Je doute que tous ces gens se soient déplacés juste pour voir une fille faire caca dans la rue - même si ça compte, ne soyons pas niais.

Annie est comme Liz Lemon, comme Charmaine (dans UNITED STATES OF TARA), comme Natalie Portman (dans NO STRINGS ATTACHED), comme Juno MacGuff, comme Carrie Bradshaw et comme Beth (dans LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARCH), des personnages plein de failles, de contradictions, d'incertitudes qui rappellent aux filles qu'elles ne sont pas seules et aux garçons qu'une femme est autre chose qu'une maman et/ou une putain.

Quand je prends un verre avec deux filles qui parlent de cosmétique, de blogueuses mode et de Buffy Contre les Vampires, c'est à elles que je pense. Quand j'écris les personnages féminins de mes scénarios, c'est à elles que je pense. Car la féminité ne me semble pas affaire de force, de gros bras, de high kick, de combinaisons moulantes, de maternité et de sexe. Elle me semble juste affaire de sentiments et de leur expression. Jusqu'à mes 27 ans, j'étais incapable d'exprimer quoi que ce soit. Je gardais tout pour moi. Avec la rencontre successive avec deux filles qui sont devenues (presque instantanément) mes meilleures amies, tout a changé. J'ai parlé. On m'a écouté. J'ai écouté et j'ai ouvert ce blog (qui fêtera ses 5 ans dans 3 moins jour pour jour). J'ai depuis compris que mes faiblesses, mes doutes, mes peurs faisaient parti de moi et étaient, au final, ma plus grande force. C'est cette féminité que j'ai envie de continuer à découvrir, celle que j'ai envie de retranscrire.

Annie ne pourrait pas être remplacée par un homme. Le film n'existerait pas. Et bien, mes amies ne pourraient pas non plus être remplacés par des hommes parce qu'alors ma vie actuelle n'existerait pas non plus...


7 commentaires:

  1. Ben j'ai envie de dire... Le féminisme c'est aussi dire qu'il n'y a pas de différence entre le cerveau d'une femme et celui d'un homme, non ? L'inverse revient à donner un argument aux mecs qui veulent les envoyer faire des sandwiches à la cuisine toute la journée parce qu'elles sont nées pour ça.
    Alors si le sexe d'un personnage d'asskicker est interchangeable, je trouve effectivement ça intéressant de voir une femme sauver un demoiseau en détresse.
    Un personnage de femme forte MAIS avec des grosses faiblesses, c'est Ally McBeal. C'est une avocate mais elle jongle avec des milliards de problèmes personnels (dont euh... la folie). Alors la série dans son ensemble est plutôt féministe, mais on peut se demander si Ally aurait pu être un homme.
    Les rôles sont-ils tellement interchangeables ? Casser l'image de l'homme qui ne ressent rien et parle uniquement de foot à ses potes n'est il pas aussi important que l'inverse au final ?
    On peut penser à Scrubs. JD est peut-être l'équivalent masculin d'Ally McBeal. Moi je trouve ça intéressant. Peut-être que tu devrais essayer, comme exercice d'écriture, d'imaginer un personnage masculin aussi complexe et crédible que tes persos féminins. Parce que dénigrer les hommes (et tu donnes cette impression dans cet article) pour valoriser les femmes, c'est encore mettre une barrière entre les deux, là où il ne devrait (selon moi) pas y en avoir.

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  2. Physiquement, le cerveau féminin est sûrement le même que le cerveau masculin. Mais je ne suis pas scientifique et je ne pense pas avoir écrit sur le sujet. ;)

    Je veux juste parler de sensibilité - qu'elle soit acquise ou innée. Et personne ne pourra dire qu'une fille n'a pas la même sensibilité qu'un garçon. Et si je ne suis pas politiquement correct en disant ça et vais à contre sens des théories féministes, tant pis... ;) Mais franchement, je ne suis pas sûr.

    Pour les différences entre les garçons et les filles, j'avoue caricaturer. C'est volontaire. Je caricature d'ailleurs dans les deux sens (filles comme garçons). Et je parle juste de mon expérience personnel. Quand je dis qu'un garçon est difficilement "capable de sincérité et de sensibilité", c'est parce que j'étais moi-même comme ça. Mais j'ai changé sous l'influence de filles. Alors je n'ai pas du tout l'impression de dénigrer les hommes (j'en suis un, quand même ;) - d'ailleurs, je les mentionne assez peu.

    Ici, je veux juste rendre hommage (pas les mettre sur un piédestal) aux filles qui ne me semblent pas assez représentés correctement au cinéma et dans les séries avec cette perception qui me semble faussée de la "femme forte".

    Et pour finir, je dis que les persos féminins de mes scénarios attirent toujours l'attention en premier. Ce n'est pas pour autant que mes persos masculins ne soient pas aussi complexes. Comme je le dis, mon personnage principal est un garçon. S'il n'était pas complexe, je n'aurais pas de film, l'ensemble ne se tiendrait pas. On ne base pas un film sur des seconds rôles ! ;)

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  3. ahah j'ai l'impression de n'intervenir ici que pour dire que c'était un cool article :)

    mais cette fois j'ai pourtant eu beaucoup de mal quand tu t'es lancé dans la description rapide des garçons (même en précisant que c'est une caricature…), c'est-à-dire tout ce qui a été soulevé dans le premier commentaire.
    Je veux dire : ça sert à quoi d'avoir passé la dernière décennie à faire des films avec Paul Rudd et définir les traits d'un homme moderne-sensible si c'est pour en rester au modèle hétéro-beauf de l'action hero des nineties ? ;)

    Bon je n'insiste pas parce que sur le fond, la volonté de faire de beaux personnages féminins qui dépassent la simple projection de fantasmes masculins (au passage, les héroïnes de deathproof sont pour moi bien plus que des battantes au sens propre ; elles sont très sensibles sur des sujets amoureux ou d'amitié, c'est même la grande majorité du film), la volonté de faire de beaux personnages féminins donc, c'est clairement la grande marge de progression, tant au cinéma qu'à la télé d'ailleurs (où Joss Whedon, aka Dieu, est un peu trop seul).

    J'espère que certains de ces projets de scénarios pourront aboutir ! Le chemin est long, certes, mais la place est encore vacante…

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  4. Merci beaucoup. Et la preuve que tu n'interviens pas que pour dire que c'est un cool article... Visiblement, pas mal de choses ne t'ont pas plu dans celui-là. ;)

    Et pour te répondre, comme je l'écris, la description masculine effectivement hétéro-beauf est ultra-caricaturale. Mais la description féminine ne l'est-elle pas tout autant ? C'est juste une mise en situation volontairement caricaturale permettant de situer les choses... Ca me semblait assez clair que c'était second degré... Mais peut-être que non, finalement ;)

    L'homme sensible (Paul Rudd, Zach Braff, JGL...) que l'on a vu beaucoup cette dernière décennie est effectivement le nouvel archetype masculin de la pop culture mais ce n'est pas mon sujet. Et avoue que le modèle a beau être très représenté dans la pop culture, il existe finalement assez peu "en vrai". Ou alors peu font leur coming out sur le sujet :)

    Je suis d'accord avec toi sur les héroïnes de Death Proof et plus généralement sur les autres héroïnes de Tarantino (notamment Jackie Brown). Comme Joss Whedon que tu mentionnes (et qui est vraiment effectivement un cas à part), il arrive de temps en temps à donner une complexité à ses héroïnes. Mais le modèle dominant des héroïnes de ciné me semble encore très très hypocrite.

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  5. Tu vas pécho avec cet article ! Haha
    (désolé là tout de suite j'avais pas plus pertinent comme commentaire)

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  6. Je me sens visée par le cas de figure numéro 1 ^^

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  7. Tu peux !^^ Mais tu n'es pas toute seule...

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