27 juin 2012

Le destin selon Nora Ephron



ABEL
Il y a un truc qui ne tourne pas rond chez moi. Ce n’est pas normal d’avoir ces coups de foudre à répétition.
SARAH
Ils ne sont pas à répétition. Au final, ça t’est arrivé combien de fois ? Deux ? Trois fois ?
ABEL
Oui, mais à chaque fois je me suis vautré. Ce n’est jamais la bonne...
ZOE
Tu te rends compte de ce que tu dis ? T’es pas bien! "Nuits Blanches à Seattle", t’es au courant que c’est du cinéma et que ça n’existe pas dans la vraie vie ? Et puis merde, qu’est-ce qui se passe après ? Génial. Tom Hanks et Meg Ryan sur l’Empire State Building se rencontrent pour la première fois. THE END. Qu’est-ce qui te fait croire qu’ensuite ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ? Si ça se trouve, ils ont eu un ou deux rencards et se sont aperçus qu’ils se tapaient sur les nerfs et qu’ils n’avaient rien à faire ensemble!


C'est un extrait du scénario que j'essaye de vendre en ce moment. Je ne raconterais pas exactement de quoi il parle. Ca ne servirait à rien. Mais je tenais à retranscrire cet extrait ici. Il représente en effet un moment important dans ma vie, un moment qui a forgé qui je suis. Ce moment, c'est la première fois où j'ai vu Nuits Blanches à Seattle. Dans une vie, ce genre de moments est rare, vraiment rare. Découvrir un film qui parle à tout votre être. Ces quinze dernières années, ce moment a été dans un coin de ma tête et de mon coeur à chaque minute.

Si ce moment a été possible, c'est grâce à Nora Ephron, la réalisatrice et scénariste du film.

Mais en voyant les tweets défiler ce matin dans ma timeline, j'ai eu un énorme pincement au coeur. Un puissant sentiment de mélancolie s'est emparé de moi. J'ai eu envie de pleurer. Vraiment. Ca ne m'arrive jamais quand des personnalités meurent. Je peux être touché, attristé mais jamais ému au point d'avoir envie de pleurer. Voilà... Je découvrais par l'intermédiaire de dizaines de comédiens, acteurs et réalisateurs (de Jonah Hill à Judd Apatow) que Nora Ephron venait de décéder à 71 ans.

Nora Ephron, comme Cameron Crowe, Diablo Cody, James L. Brooks, Tina Fey ou Kevin Williamson, font partie de mes idoles, les gens qui m'ont donné envie d'écrire, de raconter des histoires. Vous en avez sûrement vous aussi, ces personnes qui vous inspirent, vous donnent envie d'être meilleur pour pouvoir espérer un jour les égaler.

Bien sûr, je n'aime pas tout ce qu'elle a fait (Ma Sorcière Bien-Aimée...). Je suis même loin d'avoir tout vu. Mais j'ai vu Quand Harry rencontre Sally, Vous avez un message, Nuits Blanches à Seattle, et ça m'a suffit.

Je devais avoir 16 ou 17 ans quand j'ai vu Nuits Blanches à Seattle pour la première fois. C'était un samedi soir. J'étais seul à la maison. J'ai mis la VHS d'un enregistrement télé. Ce qui s'est passé, ce soir-là, dans ma tête allait bouleverser ma vie. Enfin, je crois que c'est ça. Comment être sûr ? Ce soir-là, je crois que j'ai compris un peu mieux qui j'étais, comment le monde s'organisait dans mon cerveau. Tout cela grâce à (à cause de) Annie Reed, le personnage interprété par Meg Ryan.

Annie Reed, encore aujourd'hui, symbolise tout ce que je suis aujourd'hui. Comment je vois le monde, les relations entre individus. Elle est amoureuse par nature, pas parce que ses hormones lui ordonnent, pas parce que la société lui impose, juste parce que le sentiment est beau. Annie Reed est capable de tomber amoureuse d'un fantasme, d'une idée, de mots. Juste ça. Elle est amoureuse de l'Amour. Elle croit à l'âme-soeur, au destin.

"Destiny is something we've invented because we can't stand the fact that everything that happens is accidental"

Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec ça. Ou si, je le suis. Ou pas. Je sais pas. C'est mon problème, en fait. Celui qui hante l'ensemble de mon scénario (et des deux autres). Je suis obsédé par cette question auquel je suis incapable de répondre. J'aimerais bien pouvoir mais je ne peux pas. Parfois, j'ai l'impression que ça me gâche la vie : préférer ne pas agir, garder tous ces sentiments dans ma tête pour conserver une esquisse d'idéal et ne jamais être déçu, ne jamais avoir à affronter l'idée d'un destin qui n'existerait pas.

"That’s your problem! You don’t want to be in love. You want to be in love in a movie."

Est-ce que quelqu'un sur cette Terre nous est destiné ? Quelqu'un que l'on puisse rencontrer pour la première fois, le soir de la Saint Valentin, au sommet de l'Empire State Building sur la seule foie de mots plus touchants que les autres ? Quelqu'un qui pourrait nous citer l'ensemble de nos petites mimiques et manies le soir du Nouvel An au milieu d'une foule d'inconnus ? Quelqu'un que l'on pourrait apprendre à découvrir, dont on pourrait tomber amoureux, en discutant des heures durant par ordinateur interposé sans jamais s'être vu ?

Nora Ephron était peut-être aussi obsédée par cette question que je le suis. Evidemment, elle n'était pas la seule. Evidemment, je ne suis pas le seul. Mais c'était largement suffisant pour qu'on se retrouve tous les deux, un samedi soir, aux alentours de 1995 sur mon canapé. Le destin peut-être...

Nora Ephron m'a beaucoup appris. Elle m'a influencé. Elle m'a donné envie d'écrire. Elle m'a surtout appris que le destin existe.... mais à une seule condition. Il n'existe que si on le provoque.




Merci Nora. A moi de jouer maintenant...


2 commentaires:

  1. Superbe article. Le meilleur hommage qu'on pouvait lui rendre.

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  2. <3 <3 <3

    Mon monde s'est un peu arrêté de tourner ce matin.

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