28 juin 2010

Le Temps d'un Refrain

Vous connaissez Bruno Mars ? Si vous n'avez pas déjà sauté au plafond en hurlant, c'est possible que le nom vous dise vaguement quelque chose. Car Bruno Mars est le nouveau chanteur soul très à la mode. Et c'est sa participation aux refrains de deux gros titres Hip Hop de ces derniers mois, "Billionnaire" de Travis McCoy (ex Gym Class Heroes) et surtout "Nothin' On You" de B.O.B., qui lui vaut aujourd'hui toute cette attention.

Une attention qui n'est pas sans rappeler celle dont fut l'objet quelques autres chanteurs R&B....

Rappelez-vous, 1994. Cette année-là, le tube imparable, c'est "Regulate (G Funk Era)" de Warren G. Au refrain, on retrouve un certain Nate Dogg. Sa voix marque, ne ressemble à rien, ni à celle d'aucun autre chanteur soul. Son flow débonnaire se marie à la perfection avec le son funky du morceau et plus largement avec le son typiquement californien qui inonde les charts et les radios du monde entier à cette époque sous l'influence des premiers albums de Dr Dre et Snoop Dogg. Pas étonnant donc de retrouver Nate aux refrains d'autres morceaux phares de cette mouvance west-coast. "Ain't No Fun" de Snoop Dogg. "Big Pimpin'" de Dogg Pound. "How Long Will They Mourn Me" de Thug Life. "Deeez Nuts" de Dr Dre. Autant de morceaux qui suscitent l'attention et crée l'attente pour un album à venir. Plus que n'importe quel chanteur R&B, l'album de Nate Dogg est, à cette époque, une des galettes les plus attendus du genre. Et c'est normal. La sauce a été bien montée.

Sauf que sa voix, si elle plaît le temps d'un refrain, ce n'est pas franchement le cas quand on y inclut des couplets. Et l'album, "G-Funk Classics, Volume 1", sorti en 1997, se plante, ne rentrant même pas dans le Billboard 200. Certes, l'album et sa suite "G-Funk Classics, Volume 2", sorti l'année suivante, ont fait les frais des déboires judiciaires de son label Death Row mais le fait est là : Nate Dogg ne fait pas recettes en dehors de ses refrains, son album suivant "Music & Me" (2001) n'ayant pas fait beaucoup mieux. Au total, dans l'ensemble de sa carrière solo, Nate Dogg n'a été l'auteur que dans d'un seul hit : "Nobody Does It Better" en 1998.

Par contre, il continue de multiplier les refrains des hits des autres : "Can't Deny It" de Fabulous, "Area Codes" pour Ludacris, "Gangsta Nation" pour Westside Connection, "21 Questions" pour 50 Cent, "I Like That" pour Houston", "The Set Up" pour Obie Trice, "Shake That" pour Eminem et beaucoup d'autres. En 15 ans de carrière, plus de 200 refrains sur les albums des uns et des autres.

Un fond de commerce qui aurait pu être également celui de L.V., interprète du fameux refrain du plus gros hit de 1995, "Gangsta's Paradise" de Coolio. A l'époque, le chanteur avait fait l'objet d'une guerre entre labels pour signer cette voix surpuissante capable de vous balancer des frissons en quelques secondes. Mais l'album est un échec commercial, ne rentrant même pas dans le Billboard 200 et ne produisant qu'un petit single ("Throw Your Hands Up"). Mais contrairement à Nate Dogg, L.V. ne capitalisa pas sur son potentiel de chanteur de refrains.

Contrairement à T-Pain qui reste le seul à avoir connu le succès en solo et en "featuring". Du moins commercialement. Car si ses trois albums, et en particulier son deuxième "Epiphany", se sont bien vendus, ils sont juste inécoutables dans leur intégralité, la faute à ce fameux auto-tune qui l'a rendu célèbre et qui, utilisé à la fois pour les couplets et les refrains, est le meilleur outil pour vous déclencher la plus grande migraine de votre vie. N'est pas Kanye West qui veut. Car, au fond, si ses albums se sont bien vendus, c'est peut-être parce que T-Pain a bien retenu la leçon de ses aînés. Les singles qui ont boosté les ventes des albums sont en effet des versions "inversés" des tubes "des autres" qui ont fait sa gloire. D'un côté, on a par exemple "Can't Believe It" de T-Pain featuring Lil Wayne et d'un autre, on a "Got Money" de Lil Wayne feat. T-Pain. Vous voyez ce que je veux dire ? Qu'il pose sa voix auto-tunée sur un morceau brandé T-Pain ou un morceau de Kanye West ("Good Life"), de Flo Rida ("Low") ou de Chris Brown ("Kiss Kiss"), c'est pareil. Au final, contrairement aux singles solo de Nate Dogg, T-Pain n'est jamais vraiment seul - en tous les cas sur les singles qui marchent vraiment. Et quand on voit que l'homme a posé sa voix sur plus de 200 refrains en seulement 4 ans, vous comprenez que l'inconscient collectif ne fasse plus vraiment la différence entre un morceau "de" T-Pain et un morceau "featuring" T-Pain !

Et Bruno Mars dans tout ça ? C'est difficile à dire même si, à titre personnel, je ne pense pas qu'il poursuive longtemps dans la voie du refrain. D'une part, parce qu'il n'est pas un simple chanteur. Il se trouve être producteur. Et un producteur avec un sacré talent pour les mélodies pop. Moitié du duo The Smeezingtons, on lui doit entre autres la composition de morceaux comme "Long Distance" de Brandy, "Wavin Flag" de K'naan, "Right Round" de Flo Rida ou "Get Sexy" des Sugababes. Mais aussi "Billionnaire" de Travis McCoy et "Nothin' On You" de B.O.B, justement les deux morceaux qu'il honore de sa voix au refrain. Comme on est jamais mieux servi par soi-même, on peut donc légitimement se dire qu'il a fait ça pour s'économiser les caprices d'une star du R&B. Ou pour prendre un plus gros chèque et en profiter pour se faire remarquer. C'est vrai. On peut se dire ça aussi.

Puis le mois dernier, Bruno Mars sort un premier EP "It's Better If You Don't Understand" qui permet de se faire une petite idée du véritable univers musical du type et dont, je vous le dis direct, le seul défaut est d'être vraiment beaucoup trop court. Mais avec ses quatre chansons de 3 minutes chacunes, vous vous rendez compte à quel point le talent inonde les veines du monsieur. Entre les très pop et imparables "Somewhere in Brooklyn" et "Talking To The Moon", le plus R&B-Soul "The Other Side" ou la folk song "Count On Me", Bruno Mars est de ces artistes éclectiques qui risquent bien d'exploser les charts d'ici la fin de l'année - date prévue pour la sortie de son premier album.

Bref, Bruno Mars n'est pas qu'une voix. C'est un pur entertainer façon 2010, loin de tous stéréotypes, un vrai talent brut qui peut s'appuyer sur autre chose qu'une hype montée de toutes pièces par quelques gros tubes internationaux. Si je dis que c'est peut-être bien la plus grande star pop de la décennie à venir, on va dire que je m'emballe. Alors je ne le dirais pas. Je le penserais juste très fort.

Reste donc plus qu'à attendre en écoutant ce qu'on veut bien nous mettre dans les oreilles... Et dans tout ça, il n'y a pas que de simples refrains !

MySpace de Bruno Mars


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