11 août 2010

Attention Chérie, ça va couper !

Cette semaine est sorti sur les écrans français le film DROIT DE PASSAGE, un film pas terrible - voire carrément mauvais selon certains - qui a cette particularité d'avoir été massacré au montage par son distributeur, Harvey Weinstein. A savoir s'il y a lien de cause à effet, je ne saurais dire et, à part Harvey Weinstein, le monteur et le réalisateur lui-même, personne ne le pourra. Mais supprimer près de 30 minutes d'un film a d'autres conséquences que la supposée baisse de qualité. Cela implique nécessairement de sacrifier des personnages et donc des acteurs.

Dans le cas de DROIT DE PASSAGE, c'est "sûrement" Alice Braga, l'actrice brésilienne de LA CITE DE DIEU, qui en a sûrement fait les frais. Je dis "sûrement" car rien n'est sûr, l'actrice apparaîssant tout de même 5 minutes au début du film mais dans un rôle qui semble avoir été conçu pour plus. Tout comme Sarah Shahi, vue dans LIFE et THE L WORD, qui n'a plus aucun dialogue. Quant à Sean Penn, c'est un peu différent, l'acteur ayant souhaité de lui-même ne plus apparaître dans le film ! Mais ils sont loin d'être les premiers et sûrement loin d'être les derniers. Et ce n'est pas toujours les "moins connus" qui en font les frais....

Quelques exemples notoires....


Kevin Costner dans LES COPAINS D'ABORD (1983)
Avec l'énorme impact pop-culturel du film de Lawrence Kasdan au début des années 80, inutile de dire que LES COPAINS D'ABORD aurait pu être le grand tournant de la carrière du jeune Kevin Costner, jusque là habitué des petits rôles. L'acteur était en effet au centre de l'intrigue, celui qui se suicide et permet donc à toute sa bande de copains de se retrouver à ses funérailles quinze ans après leur séparation à la fin de leurs études. Mais les lois du montage sont à ce point impitoyables que l'intégralité des flashbacks dans lequel il apparaissait ont été finalement coupés au montage. La seule chose que l'on aperçoit de Costner est dont son poignet lors de la scène des funérailles au tout début du film. Mais Kasdan s'est depuis fait largement pardonner, en offrant, deux ans plus tard, au jeune acteur le fameux "tournant dans sa carrière" grâce au western SILVERADO. Kasdan fera ensuite tourné Costner dans WYATT EARP en 1994 puis écrira et produira BODYGUARD pour Costner ! A priori, il a été pardonné...


Billy Bob Thornton, Martin Sheen, Gary Oldman, Bill Pullman, Lukas Haas, Viggo Mortensen et Mickey Rourke dans LA LIGNE ROUGE (1998)
Quand Terrence Malick commence le tournage de LA LIGNE ROUGE en 1997, il n'a pas tourné de film depuis LES MOISSONS DU CIEL en 1978 ! Compte tenu du roman d'origine et surtout de la réputation quasi-mythique du réalisateur, normal donc que l'intégralité des acteurs d'Hollywood se précipite pour tourner avec lui. George Clooney, Sean Penn, John Cusack, John Travolta, Nick Nolte, Woody Harrelson et plein plein d'autres font donc partie du prestigieux casting. Mais les méthodes de travail de Malick (largement basés sur l'improvisation) et surtout les réticences de la Fox a sortir un film de 5 heures ont raison d'une bonne partie du casting masculin. Ce sont donc des noms aussi prestigieux que Billy Bob Thornton (qui a même enregistré plus de 3h de voix-off), Viggo Mortensen, Mickey Rourke, Martin Sheen, Gary Oldman ou Bill Pullman qui sont purement et simplement supprimés du film. Un sort qu'Adrian Brody leur envierait presque, son personnage conçu au départ comme le centre de l'intrigue ayant été réduit à portion congrue au profit de celui de James Caviezel. Au final, LA LIGNE ROUGE dure 2h30 et Terrence Malick promit, un jour, que sortirait la version intégrale du film. A son rythme, je pense que les messieurs cités ci-dessus peuvent encore attendre...


James Van Der Beek dans STORYTELLING (2001)
Dans sa version actuelle, le film de Todd Solondz se divise en deux parties : la première avec Selma Blair dans le rôle d'une étudiante en lettre ayant une relation des plus tordues avec son professeur de lettres; la seconde avec Paul Giamatti dans le rôle d'un documentariste raté réalisant un film sur une lycéen et sa famille. Mais depuis la sortie du film en 2001, une rumeur veut qu'il y ait eu un troisième segment avec James Van Der Beek (en pleine période DAWSON) dans le rôle d'un joueur de football gay. Troisième segment qui aurait par ailleurs contenu une scène de sexe explicite, apparemment une fellation "brownbunny-esque" (le premier segment avec Selma Blair contient une scène de sodomie assez explicite, scène censurée par un carré noir dans sa version US). Sur la dernière décennie, Todd Solondz est toujours resté très évasif sur le sujet mais, avec la sortie récente de son dernier film, a confier à un blog la chose suivante : "I have a list of actors [that were dropped]. James Van Der Beek just happens to be one of the actors dropped. I'm not even sure he's the most well-known actor who has been dropped. I have dropped actors in every single movie and not because I didn't like their work, but a movie has to breathe, it has to have its proper life so you have to as they say, 'kill your babies so the whole can live.' So certainly [he wasn't dropped] because someone told me I had to get rid of him or the sex scene was too explicit, nothing silly like that. No, it was an artistic decision."


Michael Biehn dans TERMINATOR 2 (1991)
Dans la version sortie au cinéma, une scène de rêve de Sarah Connor impliquant Kyle Reese, son sauveur dans le premier TERMINATOR incarné par Michael Biehn, avait été coupée. Heureusement pour lui, dans la version DVD vendue un peu partout, cette scène a été réinsérée. Pour la petite info complémentaire, une scène finale avec Linda Hamilton grimée en vieille dame a été également coupée. Mais pour notre bien à tous, cette scène ridicule aux dialogues incroyablement mauvais n'a jamais été réintégrée.


Skeet Ulrich et beaucoup d'autres dans CURSED (2005)
La production de CURSED, la troisième collaboration de Wes Craven et du scénariste Kevin Williamson après SCREAM et SCREAM 2, a connu tellement de déboires pendant près de 2 ans, entre 2003 et 2005, qu'aucun film n'a vraiment mieux porté son nom. Et entre les retards de production, les renvois d'acteurs et les coupes imposées par les frères Weinstein (Tiens, encore eux !), Skeet Ulrich (Billy Loomis dans SCREAM) fit les frais de se désastre. Mais il peut se consoler en se disant qu'il n'est pas le seul : Illeana Douglas, Heather Langenkamp, Scott Foley, Omar Epps, Robert Forster, Corey Feldman et James Brolin sont également restés sur la table de montage...


Andy Garcia dans ESPRITS REBELLES (1995)
Vous savez à quel point les histoires d'amour sont importantes pour Hollywood. A peu près autant que les explosions et les courses poursuites en voiture. En particulier dans les productions Bruckheimer qui, pour son drame éducatif avec Michelle Pfeiffer, en décida autrement. Au dernier moment, il décida en effet que toute l'intrigue romantique entre Pfeiffer et Andy Garcia était superflue. Heureusement, ils ont gardé Coolio !


Ghostface Killah dans IRON MAN (2008)
Dès le milieu des années 90, le rappeur du Wu-Tang Clan utilisa le pseudo Tony Starks comme un de ses nombreux alter-égo. Son premier album solo en 1997 était même intitulé IRONMAN. Quand Jon Favreau eut la confirmation qu'il réaliserait l'adaptation ciné du comic-book, il se dit donc que ce serait un chouette clin d'oeil d'offrir une apparition au rappeur dans le film. Mais pour des raisons de rythme, la scène dans laquelle Tony Starks et son alter-égo rappeur se croisent à Dubaï a été coupée dans le montage final. Il apparaît toutefois brièvement via un de ses clips.


David et Peter Paul dans TUEURS NES (1994)
Roger Avary, co-scénariste de PULP FICTION, raconte que les frères David et Peter Paul, catcheurs stars du début des années 90, voulaient à ce point percer dans le cinéma qu'ils offrirent de financer en partie un film écrit par le tout jeune Quentin Tarantino à condition qu'il leur écrive une scène. Ne pouvant refuser mais ne sachant pas réellement comment s'y prendre, il écrivit une scène pour TUEURS NÉS dans laquelle ils jouent leur propre rôle et racontent au journaliste incarné par Robert Downey Jr comment ils ont été amputés de leur jambes par Mickey et Mallory. Au final, Oliver Stone déclara par pure provocation que c'était sa scène préférée du script. Cela ne l'a évidemment pas empêcher de la couper de la version finale. Mais les frères Paul ont pu se consoler auprès de Ashley Judd dont les 9 minutes de scène de plaidoirie ont été également liquidées au montage.



Chuck D et pas mal d'autres dans PRÉSENTATEUR VEDETTE : LA LEGENDE DE RON BURGUNDY
Dans la version d'origine du film d'Adam McKay, une sous-intrigue très longue et complexe montrait le présentateur télé incarné par Will Ferrell enquêtant sur une organisation secrète appelée The Alarm Clock. Cette sous-intrigue ne fut jamais insérée dans le film final mais McKay et Ferrell, friands d'improvisation, avaient tellement de scènes coupées et de matériels en tous genres qu'ils furent capables de monter un deuxième film, WAKE UP RON BURGUNDY : THE LOST MOVIE. Evidemment, le résultat est un peu fourre-tout et brouillon mais il a le mérite d'être tout de même très drôle et de restaurer les performances de Chuck D, Maya Rudolph, Kevin Corrigan, et Chad Everett.


Jason Robards et Mick Jagger dans FITZCARRALDO (1982)
Vous connaissez sûrement les mésaventures de Terry Gilliam sur le tournage de THE MAN WHO KILLED DON GUIXOTE. Elles ont été racontées par le documentaire LOST IN LA MANCHA. Et bien, en 1982, Werner Herzog connut à peu près les mêmes sur FITZCARRALDO: un héros malade, des financiers se retirant pendant le tournage, une météo peu coopérative et des réalisateurs pour documenter le tout ! Mais alors que Gilliam tente encore de faire son film, presque 10 ans plus tard, Herzog, lui, l'a terminé. Alors qu'il avait tourné pendant 5 semaines à peu près 40% du film dans la jungle sud-américaine, le réalisateur dut faire face à la maladie de son acteur principal, Jason Robbards, qui décida de ne pas retourner sur le tournage suite aux conseils de ses médecins. Pendant ce temps-là, Mick Jagger, son partenaire à l'écran, se vit incapable de revenir également, une tournée avec les Rolling Stones étant prévue. Loin de se démonter, Herzog fit donc venir son vieux partenaire Klaus Kinski pour reprendre le rôle de Robbards, abandonna totalement le rôle tenu par Jagger et reprit l'ensemble à zéro. Le réalisateur déclara ensuite avoir brulé toutes les traces du premier tournage avec Robbards et Jagger. Les seules traces sont les scènes conservées précieusement par le documentariste Les Blank qui s'en servit pour illustrer BURDEN OF DREAMS, l'insensé et incroyable making-of du film FITZCARRALDO.


Tout le monde dans SEPTEMBER (1987)
Woody Allen, malgré ses "un film par an", est un perfectionniste mono-maniaque. Il est fréquent qu'il refilme des scènes des dizaines de fois ou recaste des acteurs lors de la pré-production. Mais jamais il poussa son perfectionnisme à l'extrême comme il le fit avec SEPTEMBER en 1987. Si à peu près tous les réalisateurs de films n'utilisent pas toutes les scènes qu'ils tournent, Woody Allen, lui, n'a pas supprimé une ou deux scènes mais un film tout entier. Il était en effet tellement déçu du résultat final de son très théâtral drame qu'il retourna entièrement le film, sacrifiant dans le processus les prestations d'acteurs aussi prestigieux que Christopher Walken, Sam Shepard, Charles Durning et même Maureen O'Sullivan qui n'était autre que la mère de Mia Farrow, la petite-amie d'Allen à l'époque ! Ça, c'est dur...


Harrison Ford dans E.T. (1982)
Spielberg venant de le diriger dans LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE et le scénario étant écrit par sa femme de l'époque (Melissa Matheson), il aurait été assez normal de voir Harrison Ford dans E.T. Et il y a été. L'acteur a en effet tourné une scène dans lequel il incarne le proviseur de l'école d'Elliot et donne une sévère leçon au garçon. Une scène que Spielberg a volontairement tourné en ne montrant jamais le visage de l'acteur - uniquement ses mains, son dos et sa voix. Au moment du montage, le réalisateur décida donc de ne pas mettre la scène dans la version finale pour éviter un inutile questionnement des spectateurs qui auraient pu légitimement se demander si oui ou non Indy Jones s'était payé un petit extra entre deux aventures.


Jacqueline Bisset, Terrence Stamp, Angela Bassett et Keith David dans MR & MRS SMITH (2005)
Jennifer Aniston n'aura pas été le seul dommage collatéral de l'alchimie entre Brad Pitt et Angelina Jolie. Dans les commentaires du DVD de MR & MRS SMITH, le réalisateur Doug Liman raconte en effet que les premiers spectateurs du film, lors des projections test, réagirent tellement vivement aux scènes entre les deux tourtereaux qu'il dut se résoudre à supprimer les scènes impliquant les patrons des deux tueurs, les fameux "Mère" et "Père". Mais avant ça, lui-même hésita entre deux couples d'acteur, d'un côté Jacqueline Bisset et Terrence Stamp, de l'autre Angela Bassett et Keith David qui tournèrent tous les quatre leurs scènes. Au final, aucun n'apparaît dans le film, à l'exception tout de même des voix de Bassett et David.



Et pour finir, mention spéciale à Michelle Monaghan qui, dans sa courte carrière, a été coupée non pas de un, non pas de deux, mais de trois films quasi-successivement. La première fois en 2002 dans INFIDÈLE avec Richard Gere, la deuxième fois en 2005 dans CONSTANTINE avec Keanu Reeves et une troisième fois toujours en 2005 dans SYRIANA....



6 commentaires:

  1. Y'a aussi Ellen Pompeo dans "Eternal Sunshine of the Spotless Mind". Elle a tourné quelques scènes en tant que la copine de Joel Barrish avant Clémentine mais tout son rôle a été coupé.

    Et Coolio, dans "Daredevil". (Moi, j'aime bien !) La version director's cut ajoute 30 minutes et un sens à l'intrigue, ainsi que le rôle de Coolio.

    Bon article ! :)

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  2. Dans un style similaire, Rob Lowe a un rôle de quasi-figurant dans Outsiders dans sa version de 81, et le director's cut sorti en 2004 (?) lui a restitué presque 30 min de présence à l'écran. Il a dû l'avoir très mauvaise à l'époque!

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  3. En tout cas moi je paierais très cher pour voir le montage original de LA LIGNE ROUGE de Malick...

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  4. Oh my god, c'était Kevin Costner le mort dans LES COPAINS D'ABORD ?? wouaw, tu m'as appris un truc là, je vais pouvoir me la peter en société !

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  5. Bonjour,

    Je suis ton blog depuis quelques temps avec un réel plaisir et j'en profite pour te demander ta théorie sur une chose.
    A ton avis, pourquoi certaines actrices pour qui tout semble commencer merveilleusement bien ne font pas vraiment de carrière notable ? Par exemple, l'actrice principale de S. Darko qui a commencé avec un film indie de qualité, qui joue plutôt correctement, qui elle est jolie et pourquoi dont on n'entend jamais parler.

    Sarah.

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  6. Daveigh Chase qui joue Samantha dans S. Darko est encore jeune (20 ans) donc elle a encore du temps pour percer. Mais la concurrence est rude pour les actrices de cette âge. La beauté ne fait pas tout. Mais elle a des films en prévision...

    Je t'invite à regarder ce post qui parle justement de ce sujet de comment les jeunes actrices percent et durent : http://www.funculturepop.com/2010/03/comment-naissent-et-meurent-les-etoiles.html

    ;-)

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