08 septembre 2010

Manifeste pour le retour de Night Shyamalan

Si, cet été, vous avez été voir au cinéma LE DERNIER MAÎTRE DE L'AIR, vous savez donc que le film de M. Night Shyamalan est un gros nanar. Et si vous ne l'avez pas vu, il est probable que la raison en est les innombrables critiques françaises, américaines, anglaises, thaïlandaises, ougandaises ou chiliennes annonçant le désastre. Le consensus s'est ainsi formé dès le début du mois de juillet autour de la nullité du blockbuster. A raison. Mais si la plupart ne s'en prenne au final qu'au film en lui-même, un certain nombre s'attaque directement au réalisateur. On peut ainsi lire des choses aussi définitives que "Arrêtez de financer les films de M. Night Shyamalan" ou "Soyons honnête : M. Night Shyamalan est un idiot". Et ce n'est rien face au déferlement de haine qui inonde les forums et les commentaires des publications web.

Il est vrai que le réalisateur du SIXIEME SENS a toujours suscité des réactions exacerbées, qu'elles soient positives ou négatives, et partagé. Mais depuis quelques mois, difficile de trouver un réalisateur aussi mal-aimé et provoquant des réactions aussi viscérales que Shyamalan. Même des gens comme Brett Ratner, Michael Bay ou Joel Schumacher - et même Uwe Boll (!), arrivent à trouver grâce auprès d'une certaine catégorie du public. Pas M. Night Shyamalan. Voyez cette vidéo qui a fait le tour de l'interweb cet été, illustrant les rires moqueurs des spectateurs d'un cinéma lorsqu'ils aperçoivent son nom dans la bande-annonce de sa production DEVIL

Je l'avoue. A titre personnel, c'est un peu un crève-coeur. Tous ces gens ne sont-ils pas (un peu) ingrats ? Il y a dix ans, M. Night Shyamalan était en effet de ses talents qui étaient parvenus, en l'espace d'une petite poignée de films à susciter l'engouement, à dompter la machine hollywoodienne à force de thrillers intimistes capables de plaire aux critiques les plus intransigeants et au plus grand des publics.

En 1999, SIXIEME SENS débarque sur les écrans du monde entier et a l'effet d'un ras-de-marée. Tout le monde se demande en effet d'où peut bien sortir ce type de même pas 30 ans qui fait tourner Bruce Willis dans un "supposé premier film" (c'est en réalité 3e film). Car si l’énorme succès critique et commercial du film à l'époque centralise beaucoup l'intérêt, au cours des années, l'attention s'est aussi focalisée énormément sur le jeune homme et sa personnalité. Après tout, il est à la fois l'auteur et le réalisateur de ce film totalement atypique, qui semblait alors sorti de nulle part.

Entre cette couverture de Newsweek faisant de lui "Le Nouveau Spielberg", un livre "making-of" d'une naïveté extraordinaire et cette pub étrange pour American Express, Shyamalan se voit en effet régulièrement attribué le titre du réalisateur le plus égocentrique d'Hollywood (Assertion peut-être vraie mais quel réalisateur ne l'est pas ?). Résultat : l'homme n'a pas le droit à l'erreur. Quand ses films marchent, c'est un héros du cinéma moderne. Quand ils se plantent, c'est un "idiot" (pour reprendre une expression citée plus haut). Les films sont associés à l'homme et l'homme est associé à ses films. C'est la dure rançon du statut "d'auteur"

Car, oui, si M. Night Shyamalan est aussi décrié aujourd'hui, c'est qu'il est considéré comme un auteur. C'est la raison pour laquelle beaucoup s'enthousiasmaient à l'idée que l'homme prenne les rênes du DERNIER MAÎTRE DE L'AIR, une série TV animée admirée de tous et aux fans "hardcore" très nombreux. Avec son statut d'auteur, Shyamalan avait plus de bonnes raisons de transformer la franchise en long-métrage de qualité qu'un simple "faiseur". Un même enthousiasme que partageait les fans des sagas X-Men et Batman quand Bryan Singer et Christopher Nolan furent engagés respectivement pour les adaptations des BD au cinéma. Mais la violence des retours est aussi toujours proportionnelle à l'enthousiasme provoqué.

Et même si sa côte auprès du public était largement endommagée ces dernières années avec des flops critiques et commerciaux comme LA JEUNE FILLE DE L'EAU et PHÉNOMÈNES, le réalisateur était, à juste titre, encore considéré comme un auteur. Un auteur ayant, semble-t-il, perdu son mojo mais un auteur quand même.

Car quiconque possède une petite mémoire est capable de se rappeler à quel point ses films peuvent être justes et émouvants quand ils abordent les thèmes du deuil et du regret. Difficile par exemple d'oublier cette incroyable scène de SIXIÈME SENS entre Haley Joel Osment et Toni Colette dans laquelle le garçonnet raconte à sa mère qu'il voit sa grand-mère. Les mots utilisés et ce qu'il réussit à obtenir de ses comédiens est absolument stupéfiant. De même, malgré tous les défauts de LA JEUNE FILLE DE L'EAU, cette scène dans laquelle Paul Giamatti laisse enfin aller sa tristesse face à la mort de sa famille est d'une telle sidérante beauté qu'elle ne peut laisser indifférent que les cyniques les plus endurcis. Quant à SIGNES, le film est probablement un des films d'invasion extra-terrestre les plus mélancoliques et tristes jamais réalisé. Idem pour INCASSABLE sur le thème du super-héros.

Clairement, M. Night Shyamalan est un auteur mal-compris. Lui-même a exprimé à de nombreuses reprises à quel point son image du "mec qui fait des films avec des twists à la fin" était fatigante car elle focalisait l'attention sur un aspect de l'histoire qui n'était pas nécessairement le plus important. Alors, OK, il l'a cherché. Mais quand vous revoyez ces scènes ci-dessus et pas mal d'autres, vous comprenez que ces films ne sont pas "juste" des thrillers fantastiques avec des éléments de drame. Ce sont des drames (voire des mélodrames) avec des éléments fantastiques. La distinction peut paraître fine mais elle est très importante. Elle est primordiale même pour comprendre Shyamalan, l'auteur, et ses films. Par exemple, il est clair que, pour ceux recherchant "un film de monstres avec un twist", LE VILLAGE (son film ayant probablement suscité le plus d'opinions contradictoires) est on-ne-peut-plus décevant. Mais en tant que drame sur la façon dont la peur et l'impuissance poussent les gens à se refermer sur eux-mêmes, le film est d'une puissance incroyable.

Et si vraiment on veut voir du suspense dans ses films, il suffit de se tourner vers SIGNES et sa fameuse scène dans laquelle Mel Gibson et sa famille se retrouvent coincés face à une "supposée" invasion extra-terrestre qui ne montre jamais son visage. En matière de construction de la tension, il apparaît très difficile de trouver ne serait-ce qu'une ou deux scènes de la décennie écoulée capable de rivaliser. Ce style dépouillé d'artifices, au rythme à l'ancienne qui utilise le trauma de ses personnages comme autant de raisons de tension était la signature du réalisateur au temps de sa gloire.

Mais c'est comme si tout cela avait disparu, avait été effacé, comme si les erreurs du présent avaient balayé les merveilles du passé. Il y a dix ans, on comparait Shyamalan à Spielberg, lui, revendiquant également l'influence de George Lucas. Avec LA JEUNE FILLE DE L'EAU, en décidant de rompre avec la formule magique du thriller à twist qui avait fait son succès, il manifestait clairement son envie de rejoindre ses deux modèles et influences au rang des grands créateurs de mythologies cinématographiques. Un choix encore plus évident avec sa décision de réaliser LE DERNIER MAÎTRE DE L'AIR. Mais ce tournant dans sa carrière n'a eu qu'une seule conséquence : afficher au grand jour la plus grande de ses faiblesses, à savoir son incapacité à s'accaparer la mythologie inhérente aux grandes histoires fantastiques. Le rythme frénétique, l'écriture et la narration imposés par ce genre de cinéma ne sont pas son truc. Il ne sait pas le faire. Les dialogues abscons, les scènes de combats ridicules, le schéma narratif du LA JEUNE FILLE DE L'EAU et du DERNIER MAITRE DE L'AIR en sont la preuve. Faire son STAR WARS, INDIANA JONES ou JURASSIC PARK, Shyamalan en est incapable.

Mais il sait faire autre chose. Il sait faire de grands mélodrames fantastiques et intimistes. Il sait créer le suspense et la tension. Est-ce que cela ne devrait pas être suffisant ? D'autant que cela, il sait les faire comme personne. Il est, dans ce domaine, si ce n'est le meilleur, un des cinq meilleurs dans le monde. Alors, messieurs dames, avant de porter un jugement définitif sur la carrière de M. Night Shyamalan, merci de regarder en arrière pour pouvoir peut-être entrevoir l'avenir. Peut-être le jeune réalisateur se rappellera en effet qu'être catalogué dans un genre n'est pas forcément si mauvais que ça. Surtout quand vous êtes bon pour ça. Regardez Alfred Hitchcock...


4 commentaires:

  1. M. Night Shyamachin ne m'a jamais vraiment touché. J'ai trouvé Sixième Sens naze dans la mesure où le twist final m'avait été dévoilé avant que je le voie et où on m'avait trop dit que c'était le film du siècle.

    J'ai trouvé Incassable pas génial parce que je trouvais que faire un deuxième film de suite avec le même acteur principal et le même principe de thriller psycho-fantastique avec twist final c'était bof bof (quoique pas mal fait). Je me suis ennuyé devant Signes, et encore plus devant Le Village et sa gênante morale à gros sabots.

    Bizarrement, j'ai bien aimé La jeune fille de l'eau, précisément pour sa tentative de "faire autre chose" et de raconter une histoire un peu moins dark que d'habitude (en gros, du surnaturel avec une vague notion de merveilleux, pour changer du flippant).

    Par contre, Le dernier maître de l'air est clairement une daube. La suite verra-t-elle le jour ?

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  2. Je pense que Shyamalan a encore des choses à offrir. D'un point de vue cinématographique, 6ème sens, Incassable et Signes sont dans la moyenne haute, suivis par 3 films très moyens voire nuls. Donc 3 bons, 3 mauvais, 1-1, la balle au centre.

    J'ai encore foi en lui (mais je regarderai ses prochains films en DVDs loués pour pas me faire entuber quand même).

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  3. Je suis un fan des films de Shyamalan de la première heure, à savoir Sixième Sens, Incassable et Signes, nettement moins des autres (aucun mot sur PHENOMENES ?).
    Aujourd'hui ce qui me dérange chez Shyamalan, ou plutôt ce qui me fait penser qu'il va avoir du mal à se sortir de la mauvaise passe dans laquelle il est, c'est lorsque je lis ou vois ses interviews. Il a pris un melon incroyable, et sa suffisance est absolument indigeste. Et j'ai peur que tant qu'il en sera ainsi, cela transpirera dans son oeuvre...

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  4. En effet les avis sont toujours très partagé quand il s'agit de Shyamalan, ses films sont d'ailleurs assez inégales mais valent le coup d'oeil. Mais ce serait s'il mettait un peu de côté son aspect égocentrique en plombant ses films à grands coups de sympbôle et qu'il se lâchait un peu pour nous offrir des films plus franc !

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