04 mars 2010

Comment naissent (et meurent) les étoiles

Devant UNE EDUCATION, le film de Lone Scherfig écrit par Nick Hornby, il y a une chose qui, dès les premières minutes, vous saute au visage, vous accroche le cerveau et ne vous lâche plus ensuite. Son héroïne, Carey Mulligan, est une star. Du moins, elle a l'étoffe d'une star. C'est indéniable.

Cette jeune londonienne de 24 ans a une beauté naturelle et discrète. Elle a ces petites mimiques incroyablement craquantes comme cette façon magique de sourire et de rire. Elle a ce regard grand ouvert sur le monde. Elle a cette assurance qui font oublier son visage poupon de petite fille. Et surtout elle a du talent. Bref, Carey Mulligan, que personne ne connaissait il y a 6 mois, a toutes les qualités dont sont faites les stars. Ces qualités qui font tomber les garçons en amour en leur faisant croire qu'elle leur est accessible. Ces qualités qui font penser aux filles qu'elle leur ressemble en leur faisant croire qu'elles peuvent devenir BFF. Des qualités que l'on retrouve par exemple chez Natalie Portman ou Anne Hathaway pour citer deux grandes stars du cinéma des années 2000.

Mais cette évidence a-t-elle des chances de se concrétiser ? Car les exemples de jeunes actrices tombées de haut sont légion dans les annales d'Hollywood. Des jeunes actrices qui ont goûté à la critique extatique et au public émerveillé. Des actrices qui, elles aussi, avaient la beauté, le talent et le charme. Des actrices qui, le temps d'un rôle, ont su envouter le monde entier par leur seule présence. Alors combien de Mena Suvari pour une Reese Witherspoon ? Combien d'Alicia Silverstone pour une Julia Roberts ? Combien d'Heather Graham pour une Nicole Kidman ? Combien d'Alison Lohman pour une Natalie Portman ? Les exemples se comptent par centaines et se ressemblent souvent.

Car dans ce domaine, les conseils d'Ari Gold se révèlent souvent payants. Il a beau avoir une grande gueule, il est la principale (et quasi-unique) voix de la raison dans cet océan de sexe, d'argent et de pouvoir qu'est Hollywood. Certes, l'agent de star orientera toujours ses clients vers les grosses productions - et donc les gros salaires - qui lui rapporteront un max mais il sait jouer aussi le compromis, s'adapter au marché. A ce titre, la carrière de Vince Chase, son poulain, a quelque chose d'exemplaire - évidemment dans tout ce qu'elle a de fictionnelle.

Première étape. Galérer. Passer ses jeunes années à arpenter les castings plus ou moins minables et les tournages de pub, séries tv et téléfilms. C'est le passage obligé du jeune comédien, celui qui forge le caractère, filtre les moins motivés (et talentueux) et entraîne à un minimum de modestie. Et parce que le rêve américain peut aussi être une pute, être un "fils de" marche aussi.

Deuxième étape. Trouver LE rôle qui vous fera connaître, vous révélera aux yeux du monde. Typiquement, pour la jeune Mulligan, c'est UNE EDUCATION. Pour reprendre les exemples de ses collègues précédemment citées, ce fut AMERICAN BEAUTY pour Mena Suvary. CLUELESS pour Alicia Silverstone. LES ASSOCIES pour Alison Lohman. Attention toutefois : un rôle dans une série télé à succès peut se révéler à double tranchant, voire carrément fatal. Rares sont en effet les jeunes actrices à en être sortie vivante sur le long terme.

Troisième étape. Confirmer. C'est là que ça se corse. Forcément. A ce moment là, Ari Gold vous dirait de tourner dans un bon gros blockbuster des familles. Un truc avec plein d'effets spéciaux, d'explosions, de poursuites et d'action. En général, c'est le choix de la majorité des actrices, attirée par le gros chèque et la visibilité médiatique. Sur le court terme, le meilleur des choix sans aucun doute. C'est le choix de Carey Mulligan. Plus ou moins. La prochaine fois qu'on la verra sur un grand écran, ce sera en effet dans le très attendu (mais casse-gueule) WALL STREET 2 d'Oliver Stone. Mais encore faut-il que le film soit réussi et soit un carton au box-office. Dans le meilleur des cas, ce sera alors gagné pour quelques années car le cercle vertueux sera amorcé. On ne parlera plus de vous seulement dans la presse spécialisée et vous aurez le droit au vrai dépucelage de la star moderne qui se respecte : vos fesses en couverture des tabloïds du monde entier. Vous ne serez alors plus reconnu que par les initiés mais par tout le monde. Vous ne serez plus seulement de la graine de star mais une star, une vraie, une tatouée...et une dépucelée ! Dans le cas contraire, c'est très probable que tout soit à refaire.

Quatrième étape. Durer. Le plus difficile. Le problème de la plus part des actrices et acteurs d'Hollywood est d'être "typecastés", d'être choisi toujours pour le même rôle, la plupart du temps à cause d'un physique atypique. Voyez récemment les Ellen Page ou les Michael Cera. Sur le court terme (voire le moyen), c'est parfait. Mais ça ne vous fait pas devenir une star. Éventuellement, juste une icône. Et le problème des icônes, c'est qu'elles finissent souvent une seringue dans le bras, la tête dans les chiottes d'un hôtel miteux de West Hollywood. Voyez Alison Lohman, citée plus haut. Elle n'en est pas encore là, loin de là. Mais elle a beau avoir 30 ans, un talent et un charme fou, elle a toujours l'air d'avoir 16 ans et c'est la malédiction d'une carrière brillamment amorcée. Clairement, c'est ce genre de parcours qui guette déjà la (sûrement trop) fraîche Carey Mulligan - malheureusement. Ce n'est pourtant pas inéluctable. D'autres avant elle ont réussi à se sortir de ce carcan. Pour cela, l'idéal, c'est de devenir producteur et ainsi se créer ses propres (bons) rôles, à la manière de Drew Barrymore (la petite boulotte sympa) ou de Sandra Bullock (la gaffeuse romantique). Une autre solution : comme Charlize Theron ou Angelina Jolie, savoir alterner films "d'auteur" qui plaisent au cinéphile à lunettes et veste en tweed et films "de genre" qui plaisent au geek à lunettes et T-shirt crade ce qui permet de diluer d'éventuels bides et/ou mauvaises critiques.

Mais au fond, l'idéal serait juste de continuer à faire de BONS films. Non, parce que UNE EDUCATION, c'était juste magique... Et aussi de plaquer ce bouffon de Shia LaBeouf pour un très beau blogueur français ! Et voilà, putain, je suis encore amoureux. Saloperie de stars de cinéma...

6 commentaires:

  1. "Carey Mulligan, que personne ne connaissait il y a 6 mois" -> Elle a tout de même joué le rôle de Sally Sparrow dans ce qui est l'un des meilleurs épisodes de Dr. Who.
    Sinon très bon article mais je suis insensible à son charme.
    Autrement, je ne sais pas ce que tu en penses mais j'ai trouvé que le film n'était pas assez long. Ce qui est dommage car certaines séquences méritaient plus d'approfondissements. Du coup, je me laisserais sans doute tenter par le livre.

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  2. Désolé d'être un peu brutal mais il y a des gens en France qui regardent Dr Who ? Je savais pas... ;-)

    En général, quand j'aime à ce point un film, c'est rare que je le trouve trop long. On veut toujours plus de ce que l'on aime. :-)

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  3. Vu samedi... Le film est très bon. Mais loin d'être aussi exceptionnel à mes yeux qu'aux tiens ;-) Il faudrait que 2010 soit une une année très moyenne pour qu'Une Education se retrouve dans mon Top de fin d'année.
    Mulligan joue très bien, sa nomination est méritée. Mais elle ne me fait pas craquer^^

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  4. Je rebondis sur le Dr Who : 'Blink' l'un des meilleurs épisodes de la série, avec Carey Mulligan assez époustouflante déjà.

    Quelqu'un à vu ce fameux Wall Street 2 au fait?

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  5. "que personne ne connaissait il y a 6 mois " ... elle avait quand même joué ds Orgueil et préjugés ! Alors oui, après tout le monde n'est pas physionomiste mais bon, on l'avait déjà vue à l'écran. Egalement dans Brothers, début d'année. Mais si tu entends par " personne ne la connaissait" les non-cinéphiles, ça fait sens.
    Voilà qui maintenant est réparé ! (enfin, en admettant que ceux qui ne la connaissaient pas déjà soient allés voir le film, ce que j'espère pour elle, son talent mérite d'être
    connu du plus grand nombre).

    @ Veeee : le film sort à la rentrée scolaire prochaine

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  6. @tiff : Effectivement, quand je parle de "personne", je parle du grand public. Parce qu'elle avait beau avoir eu quelques rôles avant "Une éducation", ça ne restait que des 3e ou 4e rôles avec que quelques petites minutes de dialogues et de présence à l'écran. A cette époque, il fallait donc être extrêmement physionomiste (ou directeur de casting) pour la remarquer et surtout mettre un nom sur son visage.

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