13 janvier 2015

Mes films préférés de 2014

J'aurais vu 160 films au cinéma cette année. Une moyenne à peu près stable par rapport à l'année dernière. Alors, comme c'est la tradition depuis 2006 sur ce blog (et depuis 2001 dans ma tête), voici mes 10 films préférés cette année. Il y a quelques films que vous retrouverez dans à peu près tous les autres tops et d'autres que vous ne trouverez sûrement qu'ici. Car c'est ça la beauté des (vrais) Top 10 ciné, leur subjectivité absolue. C'est ce qui me plaît dans l'exercice - chez moi et surtout chez les autres : voir ce qu'il y a dans la tête des gens grâce à leur goût ciné. Avec ces dix films, vous avez donc une bonne idée de ce qui s'est passé dans ma tête cette année.


1. Boyhood
Quand j'ai entendu parler pour la première du projet de Richard Linkalter de tourner un film pendant 12 ans pour capter l'enfance et l'adolescence d'un garçon comme les autres, j'avoue avoir eu des frissons. Simplement parce qu'il réalisait une sorte de fantasme. Sans le savoir, je rêvais de voir ce film. Déjà pour le thème : vous savez, si vous regardez mes tops ciné depuis 2006, que j'adore les films sur l'enfance et l'adolescence. Ensuite, pour le concept même. Comment ne pas être émoustillé, malgré l'inquiétude, par une folie pareille ? Enfin, parce que, personnellement, en tant que fier membre de la Génération X, Richard Linklater représente quelque chose de très fort pour moi. Et toutes ces choses que j'avais imaginé dans ma tête se sont déroulées sur l'écran de cinéma : la sensibilité naturaliste, la mélancolie, la musique pop qui défile comme les années passent, la sensation vertigineuse de voir grandir (et vieillir) des acteurs magnifiques et bouleversants (mention spéciale à Patricia Arquette) à mesure que les minutes passent, le grand frisson de reconnaître à l'écran toutes ces émotions un jour ressenties dans sa propre enfance/adolescence. Boyhood est à la fois intime et épique, humble mais ambitieux. Cette "brève histoire du temps" est surtout profondément universel.


2. Mommy
J'ai toujours eu une grande admiration pour le cinéma de Xavier Dolan, un cinéma moderne, pop, ancré dans son époque, qui arrive à rendre ses histoires fascinantes tout en se détachant d'un certain nombre de conventions narratives et d'académisme. Mais, restaient, au fil des films, beaucoup de chichis, des effets tape-à-l'oeil qui n'avaient d'autres utilités que le plaisir, évident, de son réalisateur à les filmer. Des chichis qui culmineraient avec Laurence Anyways (et ses 2h48!!). Mais je continuais à penser que c'était des erreurs de jeunesse. Si j'avais réalisé un film à 22-23 ans, j'aurais, sans aucun doute, fait la même chose. Puis vint Mommy. La claque. Le grand-huit émotionnel, tantôt glaçant, tantôt lumineux, tantôt bouleversant, mais toujours lyrique et flamboyant. Le film de Xavier Dolan que j'avais toujours attendu. Un film d'excès où même les choix, sur le papier, les plus casse-gueule (le format 1:1 notamment), fonctionnent et arrivent, pour une fois, à se justifier. Une grande tornade pop et tragique.


3. La Cour de Babel
On aime se dire en France que notre pays est pourri jusqu'à la moelle, qu'il n'y a rien à sauver, que le chaos est à la porte et qu'il a déjà un pieds à l'intérieur : le cinéma est pourri; la politique est pourrie; les entreprises sont pourries; l'éducation est pourrie; le modèle d'intégration est pourrie. Et pourtant. Le sont-ils tant que ça ? Quand on sort du documentaire de Julie Bertuccelli, on en est pas si sûr. Car à travers ce huit-clos d'une classe d'élèves venus du monde entier (dont certains ont connus l'horreur), là pour apprendre les rudiments de la langue de Molière, il y a toute la France, sa plus grande richesse, tout ce pourquoi les Français devraient aimer, plus que tout, leur pays, et en être fier : les sourires, les larmes, les rires d'enfants venus d'ailleurs qui trouvent dans l'école publique républicaine et laïque un refuge, un petit espace où ils peuvent être enfin eux-mêmes. Humain et profondément bouleversant.



4. God Help The Girl
Parfois le cinéma, pour moi, c'est pas très compliqué. De beaux jeunes gens aux joues roses, des belles robes colorées et des jolies chansons pop qui vous font taper du pieds et frissonner le coeur. Tout ça, c'est ce qu'il y a dans le premier film de Stuart Murdoch, la tête pensant du groupe Belle & Sebastian qui enchante le paysage pop depuis près de 20 ans. Et j'aurais presque pu m'en contenter. Mais il n'y a pas que ça et c'est la raison principale de la présence de God Help The Girl dans ce top. God Help The Girl est aussi, et surtout, un beau portrait, souvent grave, de la post-adolescence, d'un passage à l'âge adulte qui connaît quelques accrocs. Derrière la comédie musicale délicate et enjouée, derrière la fantaisie, il y a la mélancolie, presque brutale, et ce besoin vital de l'expression artistique.


5. We Are The Best
Voilà un film, si j'avais eu des enfants, que j'aurais aimé leur montrer. Dans le parcours de ces jeunes filles fans de punk au début des années 80, il y a en effet toute l'enfance (et la pré-adolescence), ce besoin de faire du bruit, de trouver des repères, un groupe et de s'exprimer. Encore et toujours s'exprimer. Dire qui on est. We Are The Best est un des meilleurs films jamais réalisé sur le besoin presque viscéral de s'exprimer artistiquement, dire qu'on est vivant en hurlant au monde ses joies et ses problèmes. Car Lukas Moodysson le fait toujours à hauteur d'enfants. Il ne filme pas les petites peines, les petits chagrins, les petits bonheurs, les petites trahisons et les petites réussites comme le ferait un adulte, avec un regard mi-amusé, mi-inquiet. Il les filme comme s'ils étaient les plus grands évènements du monde, avec l'énergie foutraque du désespoir, exactement comme ils sont ressenties par ces trois filles.


6. All About Albert
Nicole Holofcener a quelque chose pour observer les êtres humains et, en particulier, leurs petits défauts, leur jalousie, leur besoin de reconnaissance, leur insensé besoin d'être (ou d'avoir l'air de) ce qu'ils ne sont pas et toutes ces petites insécurités qui nous pourrissent la vie (et celle des autres) au quotidien. C'était déjà le cas de ces deux précédents films, Lovely & Amazing et Friends With Money. Mais avec All About Albert, la réalisatrice trouve le ton parfait et surtout l'actrice parfaite. Avec l'incroyable Julia Louis-Dreyfus, aussi drôle que mélancolique, elle parvient à parler de tous ces travers avec lucidité et humour, sans jamais juger ou porter un regard désapprobateur sur des personnages pourtant pas avares en vacheries.


7. States of Grace
Kate, le personnage incarné par Brie Larson dans la série United States of Tara, est un de mes personnages préférés de série récente. Derrière le visage poupon de l'actrice, il y avait la fraîcheur de l'adolescence mais surtout la maturité, celle imposée par la vie. Et, même dans les plus courtes de ses apparitions ces dernières années au cinéma, c'est ce que j'ai retrouvé : une fragilité, une douleur, une maturité, une grande force de caractère. Et States Of Grace est tout dédié à ça. Le premier film de Destin Cretton trouve sa lumière, sa grâce, sa délicatesse, son humanité dans le regard de Brie Larson. Résultat : States of Grace prend aux tripes et réussit le pari fou et magnifique de rendre heureux avec le sujet le plus dur qui soit.


8. Obvious Child
Je suis le premier à railler le manque d'originalité de la comédie romantique des années 2000-2010, en particulier celle venant d'Hollywood, incapable de se sortir de ses scénarios toujours identiques, incapables de comprendre les mécanismes de l'amour au 21e siècle. J'ai parlé du sujet là (si ça vous intéresse). C'est le cinéma indépendant qui désormais a pris le relais. Avec des films comme The Baxter (2005), Safety Not Guaranteed (2012), Celeste & Jesse Forever (2012) ou même 500 Jours Ensemble (2009), le ciné indé a tenté de renouveler un genre, en le teintant d'amertume ou en le déstructurant. Mais, jusqu'ici, aucune comédie romantique n'avait à ce point renouvelé un genre tout en conservant l'héritage des maîtres Lubitsch/Wilder/Hawks, comme l'a fait Obvious Child. Dans le film de Gillian Robespierre, tout semble nouveau, frais, moderne, sans pour autant l'être vraiment. Est-ce du à l'intelligence du propos féministe, à la vivacité de Jenny Slate, à l'originalité des situations ? Sûrement un peu de tout ça en même temps.


9. A Most Violent Year
JC Chandor a une façon très particulière de parler du monde. Sans faire de vague. Juste avec une mise en scène discrète et des mots qui résonnent. C'était déjà le cas dans l'excellent, et pourtant très austaire, Margin Call. Avec A Most Violent Year, il descend les étages des tours de Manhattan pour transposer son propos dans le New York du bas, celui qui veut monter, gravir les étages. Mais en haut comme en bas, le problème est le même. Comment ajuster son ambition, son "rêve américain" à sa morale ? Comment rester intègre dans un monde qui ne l'est plus depuis longtemps, si il l'a jamais été ? Je ne vous cacherais pas que c'est un thème qui m'obsède depuis longtemps. C'était déjà le thème central de Jerry Maguire, mon film préféré. Alors, A Most Violent Year, porté par un Oscar Isaac magistral, une Jessica Chastain glaciale et une reconstitution précise et somptueuse du New York de 1981, résonne beaucoup en moi.


10. The Disappearance of Eleonor Rigby
Le film est passé directement par la case Netflix cette année mais j'ai pu voir le film à la reprise à Paris de la section cannoise Un Certain Regard. Devant normalement se voir en deux fois, les versions "Her" ou "Him", qui traitent de la même histoire selon les points de vue de Jessica Chastain et de James McAvoy, je n'ai vu que la version "Them" qui agrège les deux films. J'ai peut-être perdu au change. Mais je garde tout de même en mémoire un film lyrique, une histoire d'amour à la fois troublante et réelle portée par deux acteurs sublimes. Certaines scènes, la toute dernière en particulier, n'arrivent toujours pas à me quitter. Tout comme le "So In Love" de OMD, bande son d'une scène époustouflante de romantisme.



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